La situation désastreuse où se trouvent la classe ouvrière et les masses laborieuses du Sri Lanka s’aggrave à mesure que le gouvernement Wickremesinghe impose le programme d’austérité du Fonds monétaire international (FMI). La mise en œuvre de ces mesures est la condition préalable à l’obtention d’un prêt de sauvetage du FMI de 2,9 milliards de dollars pour payer les dettes du pays envers le capital financier international.
Wickremesinghe s’est adressé au parlement le 7 mars. Il s’est vanté que son gouvernement avait rempli toutes les conditions préalables du FMI et qu’il s’attendait donc à l’approbation par le FMI de ce prêt dans la troisième ou quatrième semaine de mars. Il a prévenu que, contrairement aux 16 fois où le Sri Lanka avait mis en œuvre des programmes du FMI, le gouvernement ne pourrait pas contourner directives du FMI. Une menace claire à la classe ouvrière qu’il est déterminé à écraser toute opposition populaire à son assaut social.
Le gouvernement s’attend à ce que le prêt de renflouement du FMI soit versé sur une période de quatre ans. Le ministre des Finances, Shehan Semesinghe, a annoncé que le gouvernement s’attendait à obtenir 7 milliards de dollars d’institutions financières et de prêteurs bilatéraux suite à l’approbation du prêt du FMI. Le défaut de paiement de la dette souveraine du Sri Lanka en avril dernier avait empêché le gouvernement de négocier des prêts bilatéraux, multilatéraux et commerciaux.
Wickremesinghe a encore déclaré que les conditions du FMI comprenaient l’«indépendance» de la Banque centrale, la «réforme» des entreprises publiques, l’augmentation des recettes publiques et le «contrôle» des dépenses publiques.
Sa référence à l’«indépendance» de la Banque centrale signifie que celle-ci doit agir comme agence directe du FMI et continuer d’augmenter les taux d’intérêt indépendamment du gouvernement de Colombo.
Le 12 mars, le gouverneur de la banque centrale, Nandalal Weerasinghe, a prévenu que l’austérité du FMI allait se prolonger :«Le Sri Lanka est en train de passer à un nouveau modèle économique, en rupture avec le modèle précédent, qui n’était pas viable», ajoutant: «Toutefois, ce n’est pas là la fin de l’histoire. Beaucoup de gens pensent que les choses vont revenir à la normale. Non, c’est le début d’un nouveau voyage».
Conformément aux conditions du FMI, le gouvernement a imposé des hausses d’impôts exorbitantes aux travailleurs tout en augmentant le prix de l’électricité, du carburant et du gaz de cuisine et en coupant les subventions, y compris pour les engrais. Tout en paupérisant les travailleurs, le gouvernement offrira un maigre «filet de sécurité sociale», mais seulement aux plus pauvres d’entre les pauvres.
L’inflation est toujours supérieure à 50 pour cent car la Banque centrale maintient des taux d’intérêt élevés et laisse la roupie suivre les taux de change du marché. Ces mesures ont ouvert la voie à une grave contraction de l’économie qui va détruire des emplois et la valeur réelle des salaires des travailleurs. Les importations de produits de première nécessité, comme les produits pharmaceutiques, ont été réduites, les réserves de devises étrangères étant utilisées pour payer la dette extérieure.
Ces mesures ont dévasté les conditions de vie des travailleurs et des paysans.
Un récent séminaire organisé par l’US Soya Bean Export Council à Dubaï a révélé que 59 pour cent des familles sri-lankaises n’avaient pu satisfaire leurs besoins alimentaires en 2022 en raison de la baisse de la production alimentaire et de l’inflation. Environ 28 pour cent, soit 6,3 millions de personnes, sont confrontés à une grave pénurie alimentaire.
Le mois dernier, l’Association médicale sri-lankaise a averti que le secteur de la santé sri-lankais allait vers un «effondrement total» dû au manque de médicaments et d’équipements essentiels.
Les agriculteurs ruraux sont confrontés au désastre du coût élevé de tous les intrants, y compris les engrais et les pesticides, et aux maigres prix – fixés par le gouvernement au profit des trusts – de leurs produits.
La plupart des petites et micro-entreprises, dont les travailleurs indépendants, ont été balayés par la hausse des taux d’intérêt, la pénurie d’intrants et la montée en flèche des coûts.
Au début du mois, l’Alliance nationale des entreprises unies du Sri Lanka a prévenu que si les taux d’intérêt n’étaient pas réduits, «le marché de la consommation du pays se réduirait de 60 pour cent d’ici avril». En mars, la banque centrale sri-lankaise, avec l’appui du FMI, a augmenté les taux d’intérêt de 100 points de base.
Selon une étude, les revenus des travailleurs doivent augmenter de 160 pour cent pour maintenir le niveau de consommation qui prévalait en 2015. En d’autres termes, les conditions de vie des travailleurs et de leurs familles ont diminué de 160 pour cent par rapport a leur niveau de 2015.
Selon des chiffres récents, l'économie globale s'est contractée de près de 8 pour cent l'année dernière et la contraction de cette année est estimée à 3 pour cent.
Les hausses de taux d'intérêt de la Réserve fédérale américaine et d'autres grandes banques centrales, l'envolée du dollar américain, les taxes exorbitantes à l'importation et d'autres impôts indirects sur les produits de première nécessité ont contribué à la contraction de l'économie sri-lankaise et à la poursuite de la spirale inflationniste.
Cette contraction a entraîné une baisse de la demande de devises étrangères et une récente appréciation marginale de la roupie par rapport au dollar américain. Le gouvernement a immédiatement prétendu que cela indiquait une «reprise économique» et que son programme d’austérité brutal était la «bonne voie».
L’agence [de notation financière] Fitch Ratings a toutefois souligné que la légère appréciation de la roupie était temporaire : «La roupie sri-lankaise pourrait également être mise sous pression par le resserrement des conditions monétaires mondiales». Elle prédit que la monnaie chuterait de 20 pour cent d’ici la fin de l’année.
Colombo prévoit des mesures sociales encore plus sévères. Celles-ci comprennent la baisse des salaires et des retraites du secteur public, et la commercialisation et privatisation des entreprises publiques. Le gouvernement a déjà gelé les embauches dans le secteur public, réduit l’âge de la retraite, introduit des régimes de retraite volontaire et autorisé les travailleurs du secteur public à prendre des congés sans paye prolongés pour travailler à l’étranger ou dans le privé.
Selon le porte-parole du cabinet et ministre des Médias, Transports et Autoroutes, le Dr Bandula Gunawardena, le Sri Lanka devra payer 2,6 milliards de dollars de sa dette extérieure aux prêteurs multilatéraux dans la première moitié de 2023.
Wickremesinghe a déclaré que le Sri Lanka devrait rembourser une moyenne de 6 à 7 milliards de dollars de dette étrangère par an jusqu’en 2029. Cela montre clairement que les dures attaques sociales contre les masses laborieuses sont imposées par un régime qui fonctionne comme agent direct du capital financier mondial.
Les principaux partis d’opposition – Samagi Jana Balavegaya (SJB), Janatha Vimukthi Peramuna (JVP) et l’Alliance nationale tamoule (TNA) – critiquent le gouvernement avec démagogie. Leurs dénonciations sont fallacieuses et visent à exploiter et contenir politiquement l’opposition de masse montante.
La classe ouvrière est entrée en lutte contre le gouvernement à la fin de 2022. Le 15 mars, environ un demi-million de travailleurs des secteurs public et privé de tout le pays ont participé à des grèves et manifestations s’opposant aux mesures d’austérité du gouvernement et défiant les ordonnances anti-grève sur les services essentiels. Ce mouvement grandissant s’inscrit dans une lutte croissante de la classe ouvrière internationale, comme on peut le voir en France, au Royaume-Uni et aux États-Unis.
Si les syndicats ont été contraints d'appeler à des grèves et à des manifestations, celles-ci se limitent à des événements d'une journée. Tout comme les partis parlementaires d'opposition, ils n'ont pas de différences fondamentales avec les diktats du FMI et tentent d'enchaîner les travailleurs à l'agenda électoral des partis parlementaires d'opposition.
Le gouvernement, les partis d’opposition et les syndicats craignent tous que la colère croissante de la classe ouvrière ne débouche sur le type de mouvement qui, l’année dernière, a chassé Gotabhaya Rajapakse de la présidence. Ayant tiré les leçons du soulèvement de masse de l’année dernière contre Rajapakse, Wickremesinghe utilise l’appareil d’État – la police, l’armée et des lois draconiennes, dont les ordonnances de service essentiel – contre les manifestations et les grèves.
La classe ouvrière a besoin de sa propre stratégie pour contrer cet assaut capitaliste. Pour cela, les travailleurs doivent prendre eux-mêmes en main la lutte pour leurs droits sociaux et démocratiques. Ils ne peuvent le faire que par la formation de leurs propres comités d’action, indépendants de tous les partis et syndicats capitalistes, sur chaque lieu de travail, dans chaque usine, plantation et quartier et parmi les pauvres des zones rurales.
Le Parti de l’égalité socialiste (SEP/PES) appelle à un Congrès démocratique et socialiste des travailleurs et des masses rurales, qui se composera des représentants démocratiquement élus des comités d’action des travailleurs et des pauvres ruraux de tout le pays. L’objectif de ce congrès est de faire avancer la lutte pour un gouvernement ouvrier et paysan appliquant une politique socialiste. Cela fera partie de la lutte plus large pour le socialisme en Asie du Sud et à l’international, lutte qui nécessite l’unité de la classe ouvrière sri-lankaise avec ses frères et sœurs de classe dans cette région et dans le monde. Nous invitons instamment les travailleurs et les jeunes à se battre pour cette perspective.
(Article paru d’abord en anglais le 20 March 2023)