Près de deux millions de personnes sont mortes en Chine au cours des semaines qui ont suivi la levée de la politique du COVID zéro

Le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (CDC) n’a pas publié de véritable bilan des décès depuis que le Parti communiste chinois au pouvoir a abandonné sa politique «COVID zéro» le 7 décembre 2022 et a permis à un tsunami d’infections de déferler sur le pays, infectant plus de 90 pour cent de la population.

Malgré le déluge de cas de COVID, l’inondation des systèmes de santé et les incinérations massives en cours, les autorités sanitaires chinoises ont continué à minimiser l’ampleur de la crise, déclarant qu’au maximum 60.000 personnes étaient mortes entre le début du mois de décembre 2022 et le 12 janvier 2023. Toutefois, les rapports quotidiens du ministère national ont complètement cessé vers la fin du mois de décembre.

Total officiel des décès dus au COVID en Chine. La plupart des estimations font état d’un nombre de morts dix fois supérieur, voire plus, à ces chiffres. [Photo: Our World in Data]

Le 9 février 2023, vers la fin de la vague hivernale d’Omicron en Chine continentale, les décès quotidiens ont recommencé à être signalés. Toutefois, le bilan officiel cumulé du COVID ne s’élevait qu’à 83.150 morts, ce qui était largement vu comme une vaste sous-estimation. En effet, seuls les décès survenus à l’hôpital à la suite d’une insuffisance respiratoire et d’un test COVID confirmé ont été comptabilisés, ce qui excluait ceux qui n’avaient pas été testés ou qui étaient décédés d’autres causes liées au COVID ou qui n’étaient jamais arrivés à l’hôpital.

Les estimations fournies à l’époque par la société britannique Airfinity, spécialisée dans l’analyse prédictive de la santé, faisaient état d’un nombre effroyable de 1,3 million de décès au cours de la première semaine de février. D’autres chercheurs universitaires avaient indiqué une fourchette comprise entre un et deux millions de décès. Des études empiriques plus récentes n’ont fait que corroborer ces premières estimations sinistres et l’analyse de modélisation des pertes humaines catastrophiques qui ont eu lieu.

Avant de passer ces données en revue, il convient de noter qu’un an auparavant, le 8 février 2022, avant que la vague d’Omicron ne commence à ébranler les défenses de la Chine en matière de santé publique, Our World in Data (OWD) avait établi le bilan officiel du COVID en Chine à 5.700 morts, alors que le bilan mondial officiel atteignait le chiffre sinistre de six millions et que la surmortalité mondiale était estimée à plus de 22 millions de personnes. Le succès de la politique chinoise «COVID zéro» était incontestable.

Cependant, des changements perceptibles dans la politique et les attitudes officielles ont été mis en évidence après la vague d’Omicron de mars 2022 qui s’est concentrée sur la métropole de Shanghai. En particulier, la campagne de la presse bourgeoise internationale appelant à mettre fin au COVID zéro a atteint son paroxysme et les autorités chinoises ont été soumises à des pressions financières mondiales considérables pour qu’elles mettent fin à leur politique de santé publique et reprendre des relations commerciales normales. À la mi-novembre, les autorités sanitaires ont rapidement adopté une position d’atténuation, avant d’ouvrir complètement les vannes le 7 décembre 2022.

La semaine dernière, une nouvelle étude du Fred Hutchinson Cancer Research Center de Seattle, Washington, publiée dans le JAMA Network, a estimé que 1,87 million de décès excédentaires étaient survenus en Chine chez les personnes âgées de 30 ans et plus au cours des deux premiers mois qui ont suivi la fin de la politique COVID zéro.

Cette étude se distingue des autres par l’examen de données empiriques et l’utilisation de Baidu, un moteur de recherche internet chinois couramment utilisé, pour effectuer une surveillance syndromique, qui peut être utilisée pour la détection précoce des épidémies, pour suivre leur ampleur et leur propagation et pour surveiller l’évolution des maladies.

Pour obtenir ces estimations, les auteurs se sont appuyés sur les données nécrologiques publiées concernant les employés officiels décédés de l’Université de Pékin (PKU) et de l’Université de Tsinghua (THU) à Pékin et de l’Institut de technologie de Harbin (HIT), dans la province d’Heilongjiang, entre le 1er janvier 2016 et le 31 janvier 2023. Ils ont également effectué une surveillance syndromique pour la même période en utilisant des requêtes uniques dans les moteurs de recherche Baidu pour des mots clés particuliers tels que salon funéraire, incinération, crématorium et enterrement.

Comme l’écrivent les auteurs, «l’analyse a révélé une forte corrélation entre les recherches de Baidu pour des mots clés liés à la mortalité et le fardeau réel de la mortalité. À partir de cette corrélation, l’augmentation relative de la mortalité à Pékin et dans l’Heilongjiang a été extrapolée au reste de la Chine, et la surmortalité spécifique à la région a été calculée en multipliant l’augmentation proportionnelle de la mortalité par le nombre de décès attendus».

Comme on pouvait s’y attendre, un nombre disproportionné de décès est survenu chez les hommes (76 pour cent) et les personnes âgées de plus de 85 ans (80 pour cent). Le pic de décès a été atteint à la fin du mois de décembre 2022. Toutes les provinces, à l’exception du Tibet, ont connu une augmentation significative de la surmortalité. Les données corroborent également la modélisation de la transmission du variant Omicron du SRAS-CoV-2 en Chine réalisée par la School of Public at Fudan University, Shanghai, en juillet 2022, qui prévoyait environ 1,55 million de décès en cas de levée du COVID zéro.

File d’attente pour les tests COVID de masse à Shanghai il y a un an, avant l’abandon de la politique COVID zéro. [AP Photo/Chen Si, File]

Un deuxième rapport, publié dans le British Medical Journal le 31 juillet 2023, s’appuie sur des chiffres de crémation publiés par inadvertance puis rapidement retirés par les autorités chinoises de la province du Zhejiang, mais pas avant que des chercheurs internationaux n’aient téléchargé les informations.

Dans cette province orientale relativement riche, où presque toutes les personnes qui meurent sont incinérées, le nombre de crémations pour le premier trimestre 2023 était supérieur à 170.000, alors que les chiffres du premier trimestre des deux années précédentes étaient de 99.000 (2022) et de 90.000 (2021). Cette augmentation de 72 pour cent de la surmortalité, extrapolée à l’ensemble de la Chine, donne un chiffre d’environ 1,5 million de décès au cours de cette période, ce qui est conforme aux modèles de prédiction. Ce chiffre est considéré comme prudent, car la province du Zhejiang a un taux de vaccination plus élevé que la moyenne nationale et un système de santé plus solide.

Une troisième étude, publiée dans Nature Communications le 1er juillet 2023, a modélisé la dynamique de la vague pour donner un chiffre sur le nombre de cas de COVID qui se propageaient en Chine continentale. L’analyse a révélé qu’en cas de levée totale du COVID zéro, le temps de doublement des infections était de 1,6 jour au début et à la mi-décembre, avec un pic au cours de la dernière semaine du mois. Cela signifie qu’environ 95 pour cent des personnes, soit 1,33 milliard, ont été infectées au cours des deux mois qui ont suivi l’abandon de toutes les mesures de santé publique. Selon l’étude, en supposant un taux de létalité de l’infection de 0,1 à 0,2 pour cent pour Omicron, cela impliquerait qu’entre 1,3 million et 2,6 millions de décès dus au COVID se sont produits en décembre 2022/janvier 2023.

Pour comprendre l’impact de l’abandon du COVID zéro, c’est utile de revenir sur les premières semaines de janvier 2020, lorsque la Chine a pris des mesures pour contenir l’épidémie qui se propageait rapidement.

La première notification publique d’un groupe de pneumonies causées par un agent pathogène inconnu a été faite le 31 décembre 2019 à Wuhan, dans la province du Hubei, un mois avant le Nouvel An lunaire chinois (25 janvier 2020). Peu après, le 8 janvier 2020, un nouveau coronavirus a été identifié comme l’agent étiologique (causal) de l’épidémie, qui se concentrait autour du marché de fruits de mer de Huanan. Deux semaines plus tard, le 22 janvier 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a reconnu l’existence d’une transmission interhumaine.

Le 23 janvier 2020, les autorités chinoises ont interdit tout déplacement à destination et en provenance de la ville de Wuhan et, le lendemain, de l’ensemble de la province d’Hubei. Cependant, entre le 11 janvier et la fermeture de la ville, on estime qu’environ 4,3 millions de personnes ont quitté la ville. Il est à noter que le premier cas de COVID enregistré en dehors de la Chine l’a été en Thaïlande le 13 janvier 2020.

Parallèlement aux efforts massifs de santé publique déployés à Wuhan, la Chine a également porté sa réponse nationale en matière de santé publique à l’état d’urgence le plus élevé. Une semaine plus tard, le 30 janvier 2020, l’OMS a déclaré une urgence de santé publique de portée internationale (PHEIC). À cette date, 7.818 cas avaient été confirmés dans le monde, la grande majorité en Chine, et seulement 82 cas avaient été signalés dans 18 autres pays.

La mise en place rapide de mesures de contrôle d’urgence dans 342 villes, comprenant la fermeture des écoles, l’isolement des personnes suspectes et la mise en quarantaine des cas confirmés, l’interdiction de tous les rassemblements publics et lieux de divertissement, ainsi que la suspension des transports publics intra-urbains et des voyages interurbains, a permis d’atteindre un pic de cas quotidiens dans toutes les provinces en dehors du Hubei le 31 janvier 2020 de 875 par jour et dans l’Hubei et la ville de Wuhan le 4 février 2020 de 3.156 par jour.

En date du 19 février 2020, les autorités estimaient qu’il y avait eu environ 75.500 cas de COVID. Fin mars, la plupart des cas de COVID avaient été maîtrisés et le 8 avril 2020, le confinement de 76 jours à Wuhan a été levé, le nombre de décès dus au COVID dans la ville étant resté inférieur à 5.000. Une analyse ultérieure de ces efforts a montré que si ces mesures n’avaient pas été mises en place, il y aurait eu 744.000 cas de COVID en dehors de Wuhan dans la seconde moitié de février 2020 et d’innombrables autres dans le monde entier.

Ce que l’on oublie souvent, c’est que les premiers efforts déployés par la Chine au cours des semaines agitées où le nouveau coronavirus a commencé à se propager dans la ville de Wuhan et la province d’Hubei ont permis au reste du monde d’agir et de préparer son infrastructure de santé publique. Le fait que les élites dirigeantes du monde entier n’aient pas tenu compte de ces avertissements et n’aient pas pris toutes les mesures nécessaires pour protéger leurs populations est l’une des actions les plus scandaleuses et les plus criminelles que l’on puisse imaginer.

Une campagne internationale d’éradication du virus aurait été rapidement couronnée de succès et aurait permis d’acquérir une expérience considérable dans la préparation du monde à de futures pandémies. Au lieu de cela, le monde a subi d’énormes pertes humaines et la pandémie, après avoir infecté des milliards de personnes, a pu revenir en Chine sous la forme d’un nouveau variant plus virulent.

Le Politburo chinois a succombé aux exigences du capital international et a rejoint le reste du monde en suivant la politique du «COVID pour toujours». La question fondamentale qui se pose est qu’une stratégie d’élimination nationale ne sera jamais viable à l’ère d’une économie véritablement mondialisée.

Plus important encore, c’est le capitalisme, et non le SRAS-CoV-2, qui a créé les conditions de la crise et de sa persistance. Une stratégie d’élimination reste viable, mais seulement dans une perspective socialiste internationale qui place la vie au-dessus des profits.

(Article paru en anglais le 31 août 2023)

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