Des missiles Storm Shadow fournis par le Royaume-Uni ont été, selon des informations de presse, utilisés pour cibler le territoire russe pour la première fois mercredi. La première frappe signalée a eu lieu seulement 24 heures après que le président Joe Biden eut autorisé l'Ukraine à utiliser des missiles ATACMS fournis par les États-Unis, conduisant à une attaque contre une base militaire à Briansk, à 177 km de la frontière russe. Cela amplifie le rôle du Royaume-Uni comme principal allié de Washington dans chaque acte d'agression antirusse. Des reportages ultérieurs ont fait état de nombreuses attaques de missiles, sans fournir de détails.
Le gouvernement travailliste britannique, comme l'Ukraine, n'a fait aucune déclaration officielle, affirmant que l'utilisation de missiles était «une question opérationnelle». Mais le feu vert pour l'utilisation de Storm Shadows avait été donné par le Premier ministre Sir Keir Starmer lors d'une conférence de presse en marge du sommet du G20, le 18 novembre.
Citant des allégations d'un déploiement de 5 000 soldats nord-coréens dans la région de Koursk, l'annonce de Biden visait à garantir que l'engagement américain dans la guerre en Ukraine se poursuive avec le nouveau gouvernement Trump le 20 janvier. Ni le Royaume-Uni ni l'Ukraine ne peuvent utiliser les missiles de croisière britanniques Storm Shadow sans la technologie de navigation et les données américaines, contrairement à la douzaine de missiles Scalp donnés par la France ou aux missiles allemands Taurus, toujours retenus.
Starmer avait demandé l’autorisation de les utiliser lors d’un voyage aux États-Unis en septembre, mais on lui avait dit d’attendre après l’élection présidentielle pour le faire. Une fois que Biden eut donné son feu vert, l’utilisation de missiles britanniques longue portée n’était plus qu’une question de temps.
Starmer a fait une campagne électorale présentant le Parti travailliste comme « le parti de l’OTAN» et l’adversaire le plus sanguinaire de la Russie. Il a qualifié de « rhétorique irresponsable» l’avertissement du président Vladimir Poutine que l’utilisation de missiles fabriqués aux États-Unis et au Royaume-Uni sur le territoire russe équivaudrait à un conflit direct entre l’OTAN et Moscou, ainsi que sa signature d’une doctrine nucléaire révisée, qui n’affecterait pas le soutien du Royaume-Uni à l’Ukraine.
Alors que la Russie avertissait que les actes de l’OTAN pouvaient déboucher sur une troisième guerre mondiale, Starmer déclarait, mardi, que le Royaume-Uni «veillerait à ce que l’Ukraine ait ce dont elle a besoin aussi longtemps qu’il le faudra». « La Russie tient un discours irresponsable et cela ne nous empêchera pas de soutenir l’Ukraine», a pontifié Starmer. Il y avait déjà eu «1000 jours de sacrifices» et «au 1000e jour de la guerre illégale de la Russie en Ukraine, je le répète: arrêtez la guerre. Sortez de l’Ukraine […] Au moment où les défis mondiaux nous affectent chez nous, je pense que le leadership britannique est important».
Un porte-parole du premier ministre a qualifié l'annonce de Poutine de «dernier exemple d'irresponsabilité que nous ayons vu de la part du gouvernement russe dépravé».
Le même jour aux Nations Unies, le ministre des Affaires étrangères David Lammy a annoncé « de nouvelles sanctions contre Iran Air et Islamic Republic of Iran Shipping Lines» en «réponse directe aux livraisons de missiles balistiques iraniens à la Russie» ; ainsi qu’«un nouveau prêt [à l’Ukraine] garanti par les bénéfices des actifs russes sanctionnés, dans le cadre d’un nouveau programme d’aide du G7 de 50 milliards de dollars. Et un engagement de 3 milliards de dollars d’aide militaire, aussi longtemps qu’il le faudra […] nous savons que Poutine ne comprend qu’une chose : la force».
Au parlement, le ministre de la Défense John Healey a déclaré: «Notre engagement à soutenir le peuple ukrainien est absolu. Nous avons renforcé notre soutien militaire, accéléré les livraisons et dépensé désormais, comme pays, plus que jamais auparavant en aide militaire.»
Il s'est vanté que «le Royaume-Uni a été aux côtés de ses alliés ukrainiens depuis le premier jour de l'invasion illégale à grande échelle de Poutine, en apportant un soutien international, en formant 50 000 recrues et en fournissant des armes, des drones et d'autres équipements militaires essentiels.»
Le lendemain, le ministère de la Défense a confirmé que le Royaume-Uni contribuerait à hauteur de 7,5 millions de livres [9 millions d’euros] à l'achat de nouveaux drones d'attaque et de surveillance pour l'Ukraine, en plus de 16 millions de livres [19,2 millions d’euros] de contributions d'autres alliés, dont 10 millions de livres de l'Allemagne, portant le fonds total de la coalition à 67 millions de livres [80 millions d‘euros], le Royaume-Uni fournissant 15 millions de livres au total.
Le 19 novembre, le ministre des Forces armées Luke Pollard a visité un site d’entraînement britannique pour troupes ukrainiennes, où il a déclaré aux médias que Poutine proférait des menaces «depuis le début de la guerre […] destinées à nous dissuader de soutenir l’Ukraine et à affaiblir notre détermination, et en retour nous montrons une forte détermination». Le même jour, Starmer a appelé le président Zelensky pour lui dire qu’il souhaitait que le Royaume-Uni «redouble d’efforts» pour soutenir l’Ukraine.
Au moment où la presse informait d’une première frappe de Storm Shadows en territoire russe, le conseiller militaire britannique de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) Nicholas Aucott, s’est réjoui du lourd bilan infligé à l’armée et l’économie russes. Il a cité une moyenne de 1 350 victimes par jour en octobre, un «chiffre record», et a insisté pour dire que terminer la guerre pouvait seulement signifier que Poutine « retire toutes ses forces du territoire souverain internationalement reconnu de l’Ukraine».
Le Royaume-Uni, comme les autres pouvoirs européens, est dans l’incertitude quant à l’ampleur du soutien militaire des États-Unis à l’Ukraine sous un président Trump ; et quant à comment interpréter sa déclaration qu’il mettrait rapidement fin à cette guerre. Les spéculations vont bon train disant que Trump n’avait pas seulement été informé de la décision de Biden, mais l’avait acceptée considérant qu’il arriverait au pouvoir en exigeant, en position de force, des concessions de Poutine.
Mais quelles que soient les discussions sur ces considérations tactiques, la réponse essentielle des principaux pouvoirs européens – France, Allemagne et Royaume-Uni notamment – a été de planifier l’intensification de leur propre agression militaire contre la Russie et d’envisager ce qu’il faudra pour que cette guerre soit menée par l’Europe.
Josep Borrell, chef de la diplomatie et de la sécurité de l'Union européenne a déclaré qu’il n’avait «cessé de répéter que les Ukrainiens devraient pouvoir utiliser les armes que nous leur fournissons non seulement pour arrêter les flèches, mais aussi pour atteindre les archers». Le changement de cap politique aux États-Unis a entraîné des discussions sans fin non seulement sur l'utilisation de missiles à longue portée, mais aussi sur l'augmentation des dépenses militaires et même sur le déploiement de troupes européennes en Ukraine.
Le Royaume-Uni reste de loin la puissance antirusse la plus virulente et la plus explicite en Europe, insistant sur son engagement pour la guerre quelle que soit la position adoptée par les États-Unis. Mais le gouvernement de Starmer, composé de criminels de guerre et de partisans du génocide de Gaza, espère clairement pouvoir convaincre Trump de poursuivre la guerre avec la Russie. Lammy a déclaré à Priti Patel, la ministre des Affaires étrangères fantôme conservatrice, qu’au dîner que lui et Starmer avaient eu le 26 septembre avec Trump à New York, «nous avons discuté de l’Ukraine et il a été confronté aux questions importantes».
Il poursuivit ainsi: «Il y a une profonde philosophie nous liant aux amis du Parti républicain que je connais depuis de nombreuses années, comme l’ex-secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice. Donald Trump a une certaine continuité avec cette position, qui est ‘‘la paix par la force’’. Ce que je sais de Donald Trump, c’est qu’il n’aime pas les perdants et qu’il ne veut pas perdre; il veut obtenir le bon accord pour le peuple américain. Et il sait que [ce] bon accord est la paix en Europe et cela signifie une paix durable – pas une où la Russie remplit ses objectifs et réclame plus de concessions dans les années à venir.»
Interrogé par la porte-parole libérale-démocrate pour la Défense, Helen Maguire, pour savoir si les «hésitations» des États-Unis signifiaient qu’il incombait désormais au Royaume-Uni de prendre la tête de l’Europe, il a répondu: «Ce matin, je parlais à des ministres des Affaires étrangères dans une réunion; de la France, de l’Allemagne, de la Pologne, de l’Italie, de l’Espagne; nous n’avons pas l’impression d’hésiter dans notre soutien à l’Ukraine. Au contraire, il y avait l’engagement à redoubler ce soutien, une détermination pour garantir que l’Ukraine soit dans la position la plus forte possible en 2025 et un effort renouvelé pour assurer une coordination encore meilleure dans les mois à venir.»
(Article paru en anglais le 21 novembre 2024)