Dans sa première grande interview diffusée depuis qu'il a remporté l'élection présidentielle de 2024 il y a plus d'un mois, le président élu Donald Trump a exposé un programme de répression de masse contre les immigrants et de persécution des opposants politiques, ainsi qu'une offre quasi illimitée de réductions d'impôts et de mesures de déréglementation pour l'Amérique des affaires et ses collègues milliardaires.
L'interview, menée par Kristen Welker de NBC News et diffusée dans l'émission « Meet the Press » dimanche matin, a marqué un nouvel effort majeur des médias bourgeois pour « normaliser » le programme fasciste de Trump et le présenter comme désireux de mener à bien un mandat traditionnel de quatre ans à la Maison-Blanche, assorti d'une collaboration bipartisane avec les démocrates.
La substance même des propos de Trump dément à la fois le ton flatteur des questions de Welker et le ton délibérément sobre adopté par l'ex-président. Il a appelé à des actions dès le « premier jour » de son administration qui bafoueraient la Constitution américaine, libéreraient les centaines de voyous fascistes qui ont pris d'assaut le Capitole le 6 janvier 2021, et commenceraient à rassembler en masse des millions de travailleurs immigrés et leurs familles.
En réponse à une question directe sur sa volonté d'expulser les 11 millions de sans-papiers (estimation actuelle) au cours de son mandat de quatre ans, Trump a répondu : « Eh bien, je pense qu'il faut le faire, et c'est une chose difficile – très difficile – à faire». Trump parlait de l'ampleur de la mobilisation policière et militaire nécessaire, et non de la souffrance de millions de travailleurs sans statut légal d'immigration.
Des millions de citoyens américains, enfants de ces travailleurs sans-papiers, seraient également expulsés du pays. Interrogé sur les quelque 4 millions de familles ayant un statut d'immigration mixte, Trump a répondu avec cynisme qu'elles pouvaient choisir, mais que si les enfants voulaient rester avec leur père et leur mère, ils devraient quitter le pays avec eux.
Il signera également un décret révoquant la citoyenneté de naissance pour les enfants de sans-papiers nés aux États-Unis. Bien qu'un tel décret soit contraire à la Constitution américaine, Trump a déclaré : « Nous allons devoir le modifier. Nous devrons peut-être retourner devant le peuple. Mais nous devons y mettre fin. Nous sommes le seul pays à l'avoir, vous savez. »
L'abolition de la citoyenneté de naissance signifierait en fait l'abrogation du 14e amendement, l'un des trois amendements sur les « droits civiques » adoptés à la suite de la guerre civile de 1861-1865. La clause de citoyenneté de naissance de l'amendement visait à empêcher de façon permanente les anciens États esclavagistes de refuser les droits de citoyenneté aux esclaves affranchis. La tentative d'interdire les droits de citoyenneté aux personnes nées aux États-Unis marquerait essentiellement un retour aux « principes » anti-égalitaires qui sous-tendent l'arrêt Dred Scott v. Sandford, rendu en 1857 par la Cour suprême, qui refusait les droits de citoyenneté aux esclaves.
Trump a justifié cet assaut contre la démocratie par des mensonges réactionnaires sur les immigrés, affirmant à tort que des gens « affluent à notre frontière en provenance de prisons et d'institutions psychiatriques », que 13.000 meurtriers immigrés ont été relâchés dans les rues sous l'administration Biden, que des gangs d'immigrés ont pris le contrôle de villes américaines et que, par conséquent, la criminalité atteint un niveau record (au lieu d'un niveau historiquement bas, du moins à l'ère moderne).
Welker n'a fait pratiquement aucun effort pour endiguer ce torrent de mensonges, et encore moins pour le contester. Elle n'a pas non plus souligné le fait évident que le président élu des États-Unis était un menteur compulsif apparemment délirant. Elle a essayé d'obtenir des promesses de Trump sur des questions essentielles de politique étrangère, notamment sur le fait que les États-Unis resteraient membres de l'OTAN, et d'exprimer les préoccupations de la classe moyenne supérieure, de la couche sociale pro-Parti démocrate dont elle fait partie. Elle a ainsi interrogé directement Trump sur sa promesse de ne pas chercher à interdire les pilules abortives vendues par correspondance, et a semblé satisfaite de sa promesse de le faire.
Interrogé sur ses menaces répétées pendant la campagne de poursuivre et d'emprisonner ses opposants politiques, y compris des démocrates de premier plan comme Biden et Kamala Harris, ainsi que d'anciens partisans républicains comme Bill Barr et Liz Cheney, Trump s'est retranché derrière le prétexte que de telles décisions seraient prises par ses candidats à la tête du ministère de la Justice et du FBI, Pam Bondi et Kash Patel.
Kash Patel a dressé une « liste d'ennemis » de 60 personnes en annexe d'un livre récemment publié. Lorsqu'on lui a demandé s'il souhaitait que Kash Patel ouvre des enquêtes sur ces fonctionnaires, Trump a répondu : « Non, je veux dire qu'il fera ce qu'il pense être juste ». Il a ajouté : « S'ils pensent que quelqu'un était malhonnête ou véreux ou que c'était un politicien corrompu, je pense qu'il a probablement l'obligation de le faire. »
Tout en minimisant son appel à nommer un procureur spécial pour enquêter sur Biden, Trump a réservé son véritable venin aux membres de la commission d'enquête de la Chambre des représentants qui a enquêté sur sa tentative de coup d'État du 6 janvier 2021. Lorsqu'on lui a demandé directement s'il pensait que Liz Cheney, la coprésidente républicaine de la commission, devrait aller en prison, Trump a répondu que « tous les membres de la commission » méritaient ce sort « pour ce qu'ils ont fait».
Dans le même temps, Trump a déclaré qu'il gracierait les émeutiers condamnés du 6 janvier le jour où il prêterait serment, le 20 janvier 2025.
Le plus gros mensonge de toute l'interview est la déclaration de Trump selon laquelle la sécurité sociale, Medicare et Medicaid ne sont pas concernés par les coupes budgétaires, et qu'il n'y aura pas de réduction des niveaux de prestations ou de durcissement des conditions d'éligibilité, comme l'augmentation de l'âge de départ à la retraite. C'est précisément l'objectif de la nomination par Trump des milliardaires Elon Musk et Vivek Ramaswamy au « Département de l'efficacité gouvernementale », chargé de réduire les dépenses fédérales américaines de 2000 milliards de dollars par an, soit un tiers du budget.
Les dépenses militaires destinées à maintenir l'empire mondial de l'impérialisme américain et les paiements d'intérêts aux milliardaires de Wall Street étant considérés comme intouchables par les deux partis capitalistes, le seul moyen de procéder à des réductions de cette ampleur est de sabrer les programmes de services fondamentaux et d'éliminer pratiquement toutes les autres dépenses sociales nationales, notamment dans les domaines de l'éducation, de l'environnement, des soins de santé et des transports.
Trump n'a cité qu'une seule priorité budgétaire pour ses 100 premiers jours : la reconduction des réductions d'impôts pour les riches qu'il a fait adopter en 2017 et qui doivent expirer l'année prochaine. Ces réductions, qui se traduisent par des milliers de milliards dans les poches des super-riches, nécessiteront à elles seules des réductions de dépenses qui auront un effet dévastateur sur les programmes sociaux destinés à toutes les catégories de la classe ouvrière, en particulier les plus pauvres.
Trump a déjà indiqué qu'il s'agissait de sa principale priorité dans la composition même de son cabinet, dans lequel plus d'une douzaine de milliardaires ont été nommés à des postes de premier plan et à tous les postes importants liés à la politique économique et aux impôts.
Ces objectifs de classe ne sont qu'à peine déguisés par des slogans nationalistes et populistes, particulièrement axés sur la question des droits de douane. Trump a affirmé que l'imposition de nouvelles taxes énormes sur les importations en provenance du Mexique, du Canada et de la Chine serait lucrative. « Cela va nous rendre riches », s'est-il vanté.
Se référant aux déficits commerciaux des États-Unis, il a déclaré : « Nous subventionnons le Canada à hauteur de plus de 100 milliards de dollars par an. Nous subventionnons le Mexique pour près de 300 milliards de dollars. Nous ne devrions pas – pourquoi subventionnons-nous ces pays ? Si nous devons les subventionner, laissons-les devenir des États. »
Ces propos ne sont pas que des élucubrations. Ils expriment l'appétit de conquête, d'annexion et d'enrichissement personnel qui caractérise l'impérialisme à l'agonie, et l'impérialisme américain en particulier.
La prosternation devant Trump de toutes les sections de la classe dirigeante, y compris le Parti démocrate et les médias bourgeois, ne fait que confirmer que c'est la classe ouvrière qui doit mener la lutte pour défendre les droits démocratiques et s'opposer au virage du capitalisme américain vers la dictature et la guerre mondiale.
(Article paru en anglais le 9 décembre 2024)