En Inde, les travailleurs de Samsung en grève contre la campagne de mises à pied arbitraires du géant multinational

Depuis le 5 février, environ 500 salariés de l'usine de fabrication d'appareils électroménagers Samsung India au Tamil Nadu font une grève sur le tas pour exiger la réintégration de trois salariés suspendus arbitrairement par la direction. Les salariés suspendus sont des responsables du nouveau syndicat des travailleurs de Samsung India (SIWU), affilié au Centre des syndicats indiens (CITU), la fédération nationale des syndicats dirigée par le Parti communiste indien stalinien (Marxiste) ou CPM.

Les mises à pied sont intervenues quelques jours seulement après que le ministère du Travail de l'État du Tamil Nadu a officiellement enregistré le syndicat, le 27 janvier, à la formation duquel Samsung a farouchement résisté, de connivence avec le gouvernement DMK du Tamil Nadu et le gouvernement central d'extrême droite dirigé par le BJP.

Le 20 février, la direction de Samsung a mise à pied 14 salariés supplémentaires. Elle a annoncé cette décision de manière provocatrice lors de négociations organisées sous les auspices du ministère du Travail pour mettre fin au conflit.

Suite à ces nouvelles mises à pied, les tensions se sont intensifiées à l'usine et les grévistes ont réussi à convaincre certains des travailleurs intérimaires qui avaient continué à travailler pendant la grève de cesser le travail.

Des travailleurs de Samsung India pendant leur grève de 37 jours en septembre-octobre 2024. D'abord, une injonction du tribunal leur avait interdit de s'approcher à moins de 500 mètres de l'usine en grève. Ensuite, la police avait pris d'assaut leur point de rassemblement et démoli leur tente.

L'usine compte environ 1 800 ouvriers, répartis en plusieurs catégories. Le SIWU ne représente que les salariés permanents, et Samsung a pu utiliser cette division pour maintenir une partie de la production malgré la grève qui dure depuis trois semaines.

Le soir du 21 février, des ouvriers de diverses industries de la zone industrielle d'Oragadam -Kancheepuram, située à la périphérie de Chennai [anciennement Madras], ont organisé une manifestation de soutien aux grévistes de Samsung. Sous la pression des grévistes, la direction du CITU a menacé d'organiser une grève de solidarité à Kancheepuram le 8 mars 2025.

Plus tôt, le 17 février, environ 200 travailleurs et leurs familles s'étaient rassemblés près de l'usine Samsung.

La reconnaissance officielle du SIWU par le ministère du Travail n'est intervenue qu'après une lutte prolongée des travailleurs contre la direction de Samsung et le gouvernement du Tamil Nadu dirigé par le DMK. Les travailleurs ont organisé une grève de 37 jours en septembre-octobre de l'année dernière pour exiger l'enregistrement du SIWU.

Bien que la reconnaissance des syndicats soit censée être un droit statutaire en vertu du droit de travail indien, il a finalement fallu plus de 200 jours de protestations des travailleurs et de litiges juridiques pour que le SIWU soit enregistré.

Comme le montre clairement la campagne de mise à pied de Samsung, l'entreprise sud-coréenne est déterminée à contrecarrer toute tentative des travailleurs de réclamer de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail. Elle continue de refuser toute véritable négociation sur ces questions et tente d'intimider les travailleurs pour qu'ils rejettent le SIWU en faveur d'un faux «comité des travailleurs» organisé par l'entreprise.

Face à l'intransigeance de l'entreprise, le CITU, dirigé par le CPM, a cherché à chaque instant à enfermer les travailleurs dans le cadre le plus étroit de dialogue social afin de ne pas mettre en péril les relations étroites des staliniens avec le gouvernement de droite du DMK. Le CPM est en alliance politique avec le DMK au niveau de l'État et au niveau national.

Sous la pression du gouvernement du DMK, les dirigeants du CITU ont brusquement mis fin à la grève des travailleurs de Samsung le 15 octobre dernier, en affirmant qu'un accord pour l'enregistrement du syndicat avait été conclu. Mais cet accord, tel qu'il était, s'est rapidement révélé être une fraude.

La direction a continué de refuser de négocier avec le syndicat et a organisé des «sessions de formation» pour intimider les travailleurs et les forcer à rejoindre le faux «comité des travailleurs». La campagne d’intimidation n’ayant réussi à convaincre qu’un petit nombre de travailleurs, la direction a tenté de corrompre les travailleurs en leur offrant des prêts sans intérêt de 300 000 roupies (3 455 dollars) s’ils rejoignaient le comité bidon.

En novembre dernier, le WSWS écrivait (article en anglais):

Le CITU, de son côté, continue de célébrer cette capitulation totale et cette trahison pourrie face à la direction et au gouvernement DMK du Tamil Nadu comme une «victoire» historique. Une victoire que, selon E. Muthukumar, bureaucrate de longue date du CITU et dirigeant du SIWU, «le monde regarde avec émerveillement» et qui avait «rendu les travailleurs heureux».

Contrairement à l'image totalement fausse de la victoire que Muthukumar a peinte, les travailleurs de Samsung ont exprimé leur colère et leur amertume face aux coups bas du CITU lors de discussions avec des reporters du WSWS.

Le 31 janvier, pendant leur pause déjeuner, trois responsables du SIWU, Mohanraj, Gunasekaran et Devanesan, ont demandé au département des ressources humaines l'autorisation de rencontrer le directeur général de Samsung pour aborder les problèmes de mauvais traitements infligés aux employés. Les RH ont rejeté leur demande, ce qui a donné lieu à une confrontation d'une heure. Plus tard, les 4 et 5 février, Samsung a émis des ordres de mise à pied à l'encontre des trois salariés, les accusant d'avoir interrompu la production pendant une demi-heure le 31 janvier, alors qu'ils tentaient de rencontrer le directeur général. En réponse, les travailleurs suspendus ont organisé une grève sur le tas, qui a rapidement reçu le soutien d'autres salariés permanents.

En représailles, la direction de Samsung a fermé les toilettes et coupé l'électricité. Malgré cela, les travailleurs ont continué à revendiquer leurs droits, forçant la direction à rouvrir les toilettes. Par la suite, la protestation s'est poursuivie, les sympathisants du syndicat organisant une grève sur le tas pendant leurs heures de travail habituelles, mais sans perturber les efforts de la direction pour poursuivre la production en utilisant des travailleurs non permanents.

Pendant ce temps, la grève des 93 salariés suspendus de leurs fonctions chez SH Electronics, un fournisseur de Samsung, se poursuit. Ils avaient été mis à pied il y a plusieurs mois, après avoir plaidé en faveur de la création d'un syndicat affilié au CITU.

Lors de la manifestation des travailleurs de Samsung le 17 février, le dirigeant du CITU, Muthukumar, a critiqué Samsung et SH Electronics en termes nationalistes pour leur manque de respect envers le droit du travail indien, affirmant que ces sociétés étrangères privilégient le profit aux dépens des droits des travailleurs. Muthukumar n'a rien dit du rôle rapace de la bourgeoisie indienne, notamment de l'élite capitaliste tamoule. Il n'a pas non plus mentionné que le gouvernement du BJP s'apprêtait à mettre en place de nouveaux statuts du travail qui permettront aux entreprises de recourir à la main-d'œuvre d’intérimaires dans tous les secteurs et aux employeurs de licencier des travailleurs à volonté sans l'approbation du gouvernement.

Les travailleurs doivent comprendre le véritable rôle du CITU et du CPM stalinien, qui ont fonctionné pendant des décennies comme une partie de l’establishment politique, réprimant la lutte des classes et poussant les travailleurs vers des partis capitalistes droitiers comme le DMK et le Parti du Congrès. Dans les États où le CPM a dirigé le gouvernement, comme le Bengale-Occidental et le Kerala, il a mis en œuvre ce qu’il appelle lui-même une politique «pro-investisseurs».

Le CITU a appelé à maintes reprises la direction de Samsung à reconnaître que le syndicat pouvait être un «partenaire» de cette multinationale avide de profits, et qu'en répondant aux griefs des travailleurs, le syndicat pouvait l'aider à accroître sa production.

Le fait que le CITU ait fixé dans deux semaines seulement une date pour une grève d'un jour dans toutes les unités industrielles de Kancheepuram est typique de comment il manœuvre entre les travailleurs, les employeurs et le gouvernement, essayant de garantir que la colère des travailleurs ne déborde pas.

Le CITU conseille constamment aux travailleurs de faire appel au ministère du Travail dirigé par le DMK et aux tribunaux capitalistes pour qu’ils interviennent en leur faveur. Dans le même temps, ses dirigeants ont ordonné aux travailleurs de ne pas parler aux « personnes extérieures» comme les reporters du WSWS, promettant que «la direction du CITU résoudrait tous les problèmes des travailleurs».

Enhardie par l'inaction du CITU, la direction de Samsung redouble de menaces contre les travailleurs. Elle a publié une déclaration menaçante le jour même où elle a mis à pied les 14 travailleurs supplémentaires, affirmant: «Nous avons une politique de tolérance zéro pour toute activité illégale des travailleurs qui perturbe la stabilité industrielle et la paix sur le lieu de travail.» Autrement dit, elle cherchera à réprimer impitoyablement tout travailleur qui conteste son régime brutal de travail et ses salaires de misère.

Les actions entreprises par Samsung et SH Electronics soulignent une fois de plus l’urgence d’une lutte pour unir travailleurs permanents et intérimaires dans une lutte commune pour des emplois sûrs et bien rémunérés pour tous. Les syndicats indiens n’ont pas monté d’opposition sérieuse à la propagation du travail intérimaire, désormais bien ancré dans les secteurs privé et public, car cela exigerait de défier systématiquement les lois anti-ouvrières et les injonctions des tribunaux, et de développer un mouvement politique indépendant de la classe ouvrière.

Les travailleurs de Samsung doivent prendre leur lutte en main en créant un comité de la base, indépendant de l’appareil du CITU. Ce comité devrait réunir les travailleurs permanents, indépendants et temporaires pour faire cause commune. Il devrait également rechercher la solidarité des travailleurs des autres usines Samsung à Noida, dans le nord de l’Inde, en Corée du Sud et à l’étranger, en construisant un réseau mondial de comités de base indépendants de travailleurs luttant pour leurs droits.

Un tel mouvement, fondé sur les principes de la lutte des classes et de l’internationalisme socialiste, pourrait efficacement mettre au défi l’exploitation brutale des travailleurs par des multinationales comme Samsung. Il s’inscrirait dans une lutte plus large visant à unir les travailleurs contre le système capitaliste et contre la priorité donnée au profit des investisseurs sur les besoins de la société.

(Article paru en anglais le 26 février 2025)

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