Le discours de Donald Trump devant le Congrès mardi soir était moins un discours présidentiel que les divagations d'un aspirant ‘Führer’, bien qu’avec un peu moins de décorum qu'un discours d'Hitler devant le Reichstag allemand. Il était virulent, violent et dépravé, touchant au fond de la dégradation culturelle et politique aux États-Unis.
Tous les thèmes récurrents qui, à une époque antérieure, auraient été identifiés comme appartenant à la frange fasciste de la politique américaine ont été hissés en son centre. Le cabinet de milliardaires de Trump, la personnification d'un gouvernement oligarchique, se tenait debout et applaudissait à chaque phrase, de même que les sénateurs et députés républicains, qui ont éclaté à plusieurs reprises en chants de « USA! USA!»
Tenter de disséquer tous les mensonges que Trump a déversés reviendrait à donner une certaine dignité à ses propos. Ce n'était pas un discours digne d'une analyse sérieuse. C'était une série de grognements porcins et d'aboiements canins, des excuses étant nécessaires ici à l’égard de ces intelligents mammifères. C'était un mariage grotesque entre télé-réalité et spectacle politique. Trump a grossièrement exploité des tragédies personnelles, exhibant des victimes devant les caméras, les utilisant comme un gourdin pour exiger une violence étatique accrue, ciblant les immigrants et d'autres parties de la société.
Derrière tout cela, un thème clair: le discours de Trump était une déclaration de guerre au monde et à la classe ouvrière. C'était la déclaration d'une oligarchie qui ne reculera devant rien pour maintenir sa richesse et son pouvoir.
Trump a présenté un programme d'impérialisme américain sans retenue, dans lequel les États-Unis ne seront liés par aucune alliance, aucun traité ni aucun droit international. C'était le manifeste d'une classe dirigeante qui entend résoudre sa crise économique croissante par la guerre commerciale et l'agression militaire, chemin qui mène directement à la Troisième Guerre mondiale et au fascisme.
Au centre du nationalisme économique de Trump il y avait de vastes mesures de guerre commerciale. Il a prétendu de manière absurde que de nouveaux tarifs douaniers massifs visant le Mexique, le Canada et la Chine préserveraient les emplois américains et feraient baisser les prix. En réalité, ces mesures entraîneront des licenciements massifs et une flambée des prix.
Le corollaire de la vision de Trump d'une «forteresse Amérique » autosuffisante est l'éruption violente de l'impérialisme américain. Il a réitéré sa promesse de reprendre le canal de Panama, une menace explicite d'intervention militaire en Amérique latine. Il a déclaré que le Mexique – qu'il a appelé «le territoire situé immédiatement au sud de notre frontière» – était «entièrement dominé par des cartels criminels», une justification à peine voilée pour une guerre. Il a relancé ses appels à la prise de contrôle du Groenland par les États-Unis «d'une manière ou d'une autre».
Trump a affirmé que son administration apporterait «un avenir plus pacifique et plus prospère» au Moyen-Orient – une «paix» érigée sur les os des dizaines de milliers de gens assassinés par Israël à Gaza, un génocide pleinement soutenu par son prédécesseur et maintenant porté par lui à sa conclusion logique.
Son discours était truffé de mensonges destinés à justifier des attaques historiques contre la Sécurité sociale, Medicare, Medicaid et d'autres programmes sociaux, dans le but d'appauvrir des millions de personnes tout en distribuant des centaines de milliards de dollars en réductions d'impôts aux riches.
Il s'est emporté contre la prétendue 'fraude' dans la Sécurité sociale, citant longuement des exemples absurdes et fabriqués d'abus présumés pour poser les bases de coupes massives des prestations. L'objectif était clair: démanteler l'un des derniers piliers de la protection sociale aux États-Unis.
En même temps, il a vanté ses licenciements massifs de fonctionnaires fédéraux, qualifiant les dizaines de milliers d'employés gouvernementaux purgés par ses décrets exécutifs de « bureaucrates non élus ». Il a déclaré que cette destruction d'emplois et de moyens de subsistance était une victoire pour le « contribuable américain », présentant les licenciements massifs comme une partie de sa campagne pour « assécher le marécage ».
L'ironie était flagrante: le plus grand «bureaucrate non élu» de tous, Elon Musk, l'homme le plus riche du monde, était présent, avec son sourire stupide, alors qu'il préside à ce massacre en tant que chef du Département de l'Efficacité Gouvernementale (DOGE) de Trump.
Aucune description de cette prestation ne serait complète sans mentionner la lâcheté et la complicité absolues du Parti démocrate. Alors que Trump les attaquait de façon répétée, les membres démocrates du Congrès, hommes et femmes, sont restés assis passivement sur leurs sièges, portant chemises roses et petites pancartes pour soi-disant démontrer leur opposition.
Alors même que l'un des leurs, le député Al Green, était expulsé de force de l'hémicycle pour avoir protesté contre les propos de Trump, les démocrates n'ont rien fait. Le simple fait qu'ils aient assisté à l'événement – sur instruction de la direction de leur parti – était en soi une déclaration anticipée de lâcheté.
Ce spectacle n'aurait même pas pu avoir lieu sans leur active collaboration. Il suffit de rappeler que l'homme qui se tenait derrière Trump – le président de la Chambre des représentants Mike Johnson – a été installé l'année dernière avec des votes démocrates dans le cadre d'un accord visant à financer la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN en Ukraine.
Des millions de personnes qui ont regardé Trump parler ont été écœurées et dégoûtées. Ceux qui s'attendaient quand même à ce que ce discours fasciste soit suivi d'une réponse sérieuse se sont vus confrontés aux propos vides et réactionnaires d'Elissa Slotkin, une inconnue choisie par l'establishment du Parti démocrate.
Slotkin, qui a commencé par clamer ses références d'agente de la CIA ayant servi sous Bush et Obama, a présenté la réfutation officielle du parti, centrant son opposition à Trump non pas pour son assaut contre les droits démocratiques ou les attaques lancées contre les travailleurs, mais sur des questions de politique étrangère, en particulier la guerre avec la Russie. (Fait parlant, quand Trump a parlé des centaines de milliards alloués à l'Ukraine par l'administration précédente, les démocrates – restés silencieux tout au long de ses tirades contre les immigrés et les programmes sociaux – ont applaudi).
Slotkin a explicitement invoqué Ronald Reagan – le président qui a sabré dans les programmes sociaux et multiplié les menaces de guerre nucléaire contre l'Union soviétique – comme un modèle à imiter. «En tant qu'enfant de la guerre froide, a-t-elle déclaré, je suis heureuse que ce soit Reagan qui ait été au pouvoir dans les années 1980 et non Trump.»
Reagan « se retournerait dans sa tombe » a déclaré Slotkin. Une remarque qui attribuait plus d'autorité au président défunt qu'au parti ‘‘d'opposition’’ vivant, qui rampe bien plutôt sur le ventre. Elle a ajouté que les démocrates étaient « tout à fait favorables à la réduction des gaspillages dans les programmes sociaux», insistant juste pour dire que cela « ne devrait pas être chaotique » – c'est-à-dire devrait être fait de manière à éviter une explosion sociale.
Quant aux médias, ils ont fait de leur mieux pour normaliser le discours de Trump comme s'il faisait partie d'un discours politique légitime. Jake Tapper de CNN a évoqué ses «moments touchants». Que dire de cela?
Mardi soir nous a montré la pègre politique au pouvoir, la physionomie de l’oligarchie américaine qui règne sur la société. Trump s'est hissé aux sommets à travers un processus de sélection dans lequel sa corruption personnelle, son boniment et sa criminalité sont des ressources adaptées. La couardise du Parti démocrate est le reflet du fait qu'il est contrôlé, lui aussi, par la même élite financière.
Malgré toutes ses invocations d'un nouvel «âge d'or», du renouveau du «rêve américain», les propos de Trump étaient bien plutôt le râle d'une classe dirigeante qui ne peut plus gouverner autrement que par la violence et la dictature.
L'opposition émergera, elle émerge d'ailleurs déjà. La colère face aux licenciements massifs, à la dévastation sociale et à l'agenda fasciste de Trump grandit. Il faut la développer comme un mouvement de la classe ouvrière luttant contre la dictature, l'oligarchie, le fascisme et la guerre. Ces luttes sont inséparables l’une de l’autre, ayant leurs racines dans cette question fondamentale: le système capitaliste.
(Article paru en anglais le 5 mars 2025)