Il y a 50 ans : Les travailleurs du Québec déclenchaient une grève générale pour défendre des grévistes arrêtés

Le 21 mai 1975, 150 000 travailleurs du Québec ont mené une grève générale d'une journée pour défendre 34 travailleurs qui avaient été arrêtés pour avoir occupé une usine au cours d'une grève contre le fabricant d'avions United Aircraft, une lutte qui entrait alors dans son 17e mois.

Le conflit chez United Aircraft a commencé en décembre 1973 lorsque les travailleurs de l'usine de la région de Montréal, membres de la section locale 510 des Travailleurs unis de l'automobile (TUA), ont débrayé pour protester contre les licenciements, les accélérations de cadence et la stagnation des salaires. La grève est rapidement devenue une poudrière, car l'entreprise, une filiale de la société américaine United Technologies Corporation, a refusé de négocier.

Édition du 23 mai 1975 du Bulletin

Pendant des mois, les travailleurs ont maintenu des piquets de grève malgré les injonctions des tribunaux qui limitaient leur nombre et leur interdisaient de s'approcher de l'usine. La bataille s'intensifie le 12 mai 1975, lorsque la police prend d'assaut l'usine où les travailleurs ont entamé une occupation. Les policiers frappent les travailleurs à coups de matraque et en arrêtent 34. Un juge québécois inculpe quatre d'entre eux pour « menace à la propriété privée » et les condamne à la prison, les autres risquant jusqu'à 24 ans d'emprisonnement.

Ces arrestations suscitent l'indignation de la classe ouvrière militante du Québec. À tel point que la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) a été contrainte d'appeler à une grève générale de 24 heures, mobilisant les travailleurs des secteurs des services postaux, des centrales électriques d'Hydro-Québec, de la construction, de l'éducation et de la santé. Les usines, les quais et les services publics sont paralysés. À Montréal, des milliers de personnes remplissent l'aréna Paul Sauvé, scandant des revendications pour la libération des travailleurs emprisonnés et la fin des répressions antisyndicales.

Gaétan Breault, un gréviste de United Aircraft, explique les enjeux à des journalistes du Bulletin, le prédécesseur américain du WSWS : « Il s'agit d'une grève politique. Les grandes entreprises utilisent les juges, le gouvernement et la police pour briser le militantisme syndical. Ils utilisent tout contre nous : les injonctions, les amendes, la prison ». Il souligne la complicité des autorités fédérales, notant que le gouvernement du premier ministre Pierre Trudeau avait refusé aux grévistes les allocations de chômage, tout en accordant à United Aircraft des contrats d'une valeur de 14 millions de dollars pendant le conflit.

La grève générale s'inscrit dans la vague internationale de luttes de classes déclenchée par la crise économique mondiale qui avait débuté avec la fin du système de Bretton Woods en 1971. Depuis lors, le dollar canadien s'était effondré, l'inflation avait grimpé en flèche et le chômage avait augmenté.

Parmi les autres attaques, le gouvernement libéral du premier ministre du Québec, Robert Bourassa, adopte la détestée loi 26, qui chasse les dirigeants des syndicats de la construction et les remplace par des fonctionnaires nommés par le gouvernement. Le ministre fédéral des Finances, John Turner, menace les travailleurs de « chômage de masse » s'ils n'acceptent pas l'austérité.

Après plusieurs mois de grève, de nombreux travailleurs de la base ont exprimé leur frustration à l'égard des bureaucraties syndicales. Un ouvrier de la construction a déclaré au Bulletin : « Une grève d'un jour ne sert à rien. Nous devrions débrayer jusqu'à ce qu'ils libèrent nos frères. »

La grève de l'United Aircraft durera jusqu'en août 1975, date à laquelle un accord partiel est conclu, qui prévoit l'abandon des poursuites contre les 34 grévistes arrêtés. Toutefois, ce n'est qu'en 1976 qu'un accord final est ratifié, avec d'importantes concessions accordées à l'entreprise.

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