Ce qui suit est le texte d’une déclaration qui sera diffusée par les sympathisants du Parti de l’égalité socialiste (Canada) lors d’une manifestation organisée ce samedi 29 novembre à Montréal par les centrales syndicales. Nous invitons nos lecteurs à télécharger la version PDF et à en distribuer des copies à ce rassemblement.
Des dizaines de milliers de travailleurs sont attendus dans les rues de Montréal aujourd’hui pour exprimer leur opposition à l’assaut tous azimuts du gouvernement Legault sur les emplois, les salaires, les services publics et les droits démocratiques – y compris le droit de grève.
Ce rassemblement se déroule à peine un mois après la tenue de manifestations de masse aux États-Unis contre les mesures dictatoriales de Trump. Il suit une série de grèves menées à travers le Canada par d’importants contingents de la classe ouvrière : agents de bord d’Air Canada, postiers, chauffeurs et employés d’entretien à la STM, pour ne citer que ces exemples.
Cela démontre le potentiel pour une puissante contre-offensive ouvrière, pan-canadienne et nord-américaine, contre le programme d’austérité capitaliste et d’agression impérialiste appliqué à l’unisson à Québec, Ottawa et Washington.
Une nouvelle stratégie de classe est nécessaire
Mais un avertissement doit être lancé : ce potentiel ne pourra être réalisé sans une rupture avec la stratégie nationaliste des centrales syndicales qui organisent la manifestation d’aujourd’hui. Leur objectif n’est pas d’en faire le coup d’envoi d’une véritable lutte contre la guerre de classe menée par l’élite dirigeante et tous ses paliers de gouvernement, mais un simple exercice de « défoulement collectif » sans lendemain.
Les appareils syndicaux vont ensuite tout faire pour étouffer la résistance de la classe ouvrière aux attaques patronales et pour la subordonner politiquement à la grande entreprise – avant tout en continuant à diviser les travailleurs au Québec des luttes ouvrières qui éclatent à travers l’Amérique du Nord et en renouant leur alliance de longue date avec le Parti québécois. Le PQ est un parti anti-ouvrier qui rivalise avec la CAQ dans la promotion du chauvinisme anti-immigrants.
Les travailleurs doivent prendre les choses en main par la formation de comités de base, indépendants des syndicats et capables de mobiliser la colère sociale montante pour défendre les conditions de travail et le droit des travailleurs de faire la grève au nom de leurs propres demandes.
Mais avant tout, les travailleurs doivent comprendre que leurs intérêts de classe sont incompatibles avec un système de profit faisant face à une crise systémique et qu’ils sont engagés par conséquent dans un combat politique, une lutte de classe contre tout l’ordre social existant. Celle-ci doit être menée en dehors des partis et institutions de l’establishment, y compris les syndicats pro-capitalistes.
Pour s’opposer à l’austérité, à l’autoritarisme et à la guerre, il faut un programme socialiste international qui s’attaque de front à la source du problème: le contrôle absolu qu’exerce l’oligarchie financière sur les richesses produites par le travail collectif de la classe ouvrière internationale. Cette clique de milliardaires parasites doit être expropriée afin de libérer les ressources nécessaires pour répondre aux besoins sociaux des masses.
L’assaut mondial de la classe dirigeante sur les travailleurs
En annonçant son nouveau « traitement choc » en septembre dernier, Legault parlait au nom de toute la classe dirigeante québécoise et canadienne, et plus largement des marchés financiers mondiaux. Le Premier ministre du Québec avait alors annoncé une nouvelle phase dans le démantèlement des services publics et une campagne accrue pour faire des immigrants les boucs émissaires de la crise sociale causée par un système de profit en décomposition.
Cela s’inscrit pleinement dans la politique poursuivie par toute l’élite dirigeante canadienne. Plus tôt ce mois-ci, avec l’appui tacite des partis d’opposition, dont le NPD soutenu par les syndicats, le gouvernement libéral fédéral de Mark Carney a fait adopter un budget marqué sous le signe de l’austérité radicale et du réarmement.
Dans un virage décisif à droite, Ottawa réduit les dépenses opérationnelles de tous les ministères fédéraux et impose une baisse en termes réels des paiements de transferts allant aux provinces pour couvrir les services publics tels que la santé et l’éducation. Il va également supprimer 40.000 emplois dans le secteur public d'ici 2028.
Les « économies » dégagées serviront à tripler les dépenses militaires en dix ans pour qu’elles atteignent 150 milliards de dollars par année d’ici 2035. Le Canada, déjà très actif dans la guerre de l’OTAN contre la Russie en Ukraine, se prépare à jouer un rôle encore plus agressif, aux côtés de Washington, dans le conflit global en cours pour un redécoupage du monde. Legault a accueilli cette explosion du militarisme canadien comme étant une « opportunité exceptionnelle pour l’économie du Québec ».
Le budget Carney intensifie l’offensive contre les immigrants. Les admissions de résidents temporaires seront réduites quasiment de moitié par rapport à 2024 et les demandeurs d'asile devront débourser pour les médicaments et d'autres services de base.
Ces attaques étendent à l’échelle nationale la chasse aux sorcières que Legault a lancée au Québec contre les communautés issues de l’immigration. Plus largement, elles reflètent le programme xénophobe de Trump et des forces d'extrême droite à l'échelle internationale pour diviser la classe ouvrière et justifier le renforcement des pouvoirs répressifs de l’État.
Sous le prétexte de mener une « Équipe Canada » face aux tarifs douaniers et menaces d’annexion de Trump, le gouvernement Carney traduit la volonté de la grande entreprise canadienne de détruire les droits des travailleurs pour augmenter ses profits.
Le retour de Trump au pouvoir, en tant que représentant direct de l’oligarchie financière, a marqué un réalignement violent des formes politiques de gouvernement sur les rapports de classe qui existent réellement dans la société. Il a donné le signal d’un assaut accéléré sur les conditions sociales de la classe ouvrière, pas juste aux États-Unis, mais sur une échelle mondiale.
Comme l’a ouvertement exprimé le chancelier allemand Friedrich Merz, « l’État providence tel qu’on le connait aujourd’hui n’est plus compatible avec ce que produit notre économie nationale ». La classe dirigeante européenne est déterminée à sacrifier devant l’autel du profit ce qui reste des conquêtes sociales durement gagnées dans le passé par des générations de travailleurs. Et c’est le même type de contre-révolution sociale qu’a lancée la classe dirigeante au Canada.
La complicité des syndicats dans la suppression du droit de grève
Le gouvernement libéral Trudeau/Carney a criminalisé le droit de grève, comme le montrent ses interventions agressives dans les conflits du travail à Postes Canada et Air Canada. Il s'est appuyé sur les pouvoirs draconiens qu'il s'est arrogés grâce à une « réinterprétation » arbitraire de l’article 107 du Code canadien du travail.
Legault s’en est inspiré pour sa loi 14 (anciennement projet de loi 89) qui impose de sévères restrictions au droit de grève en élargissant le concept de «services essentiels» et en donnant au ministre québécois du Travail le pouvoir d’illégaliser des grèves par l’imposition d’un arbitrage exécutoire. Cette menace a été brandie dans le récent conflit de travail à la STM, entraînant rapidement la capitulation des syndicats impliqués.
Si les gouvernements ont pu intervenir dans les conflits de travail pour écraser les grèves à coups de lois spéciales et autres manœuvres antidémocratiques, c’est parce que les syndicats canadiens (CTC, Unifor, le SCFP et leurs affiliés dans les provinces) n’ont pas levé le petit doigt pour s’y opposer alors que les travailleurs étaient prêts à le faire.
Au Québec, les centrales syndicales n’ont pas mené la moindre lutte sérieuse contre le projet de loi 89 (devenu loi 14), appelant plutôt au « dialogue social » avec Legault. Ils se sont joints aux syndicats dans le reste du pays pour soutenir l’« Équipe Canada » mise sur pied par la grande entreprise en réponse à la guerre commerciale mondiale lancée par Trump, et ce, pour défendre ses propres intérêts aux dépens des travailleurs au Canada et ailleurs.
Les syndicats confinent leurs membres à de la pression futile sur un processus de négociation collective truqué en faveur des employeurs et de l’État, dans le cadre des paramètres financiers fixés par ces derniers – le mensonge qu’il n’y a « pas d’argent » pour des salaires décents et des services publics de qualité.
Depuis plus de 40 ans, les chefs syndicaux grassement rémunérés siègent sur des comités tripartites (patronat, gouvernement, syndicats) et travaillent à étouffer la résistance des travailleurs aux attaques patronales. Partout dans le monde, les syndicats et leurs partis politiques (notamment la social-démocratie représentée au Canada par le NPD) sont devenus des instruments bureaucratiques pour imposer les coupes et concessions exigées par la classe dirigeante.
Au Québec, les centrales syndicales cherchent à canaliser le ras-le-bol général envers la CAQ vers un appui pour le PQ à la prochaine élection provinciale de 2026. Elles sont aidées dans cette manœuvre sordide par Québec solidaire, un parti des classes moyennes aisées qui donne une couverture « de gauche » au PQ en soutenant que ce promoteur assidu de la xénophobie n’est « pas raciste » et que toute comparaison avec Trump ou Marine Le Pen en France est irrecevable.
QS et le PQ sont unis dans la promotion d’un Québec indépendant. Mais un redécoupage des frontières de l’Amérique du Nord pour ériger une république capitaliste du Québec ne règlerait absolument rien pour les travailleurs québécois. Il ne ferait qu’ériger une nouvelle barrière étatique servant à diviser encore plus la classe ouvrière canadienne et nord-américaine alors que celle-ci fait face à un assaut décuplé sur ses conditions de vie.
Pour une stratégie internationale
Les travailleurs du Québec doivent rejeter fermement toutes les formes de nationalisme québécois ainsi que l’orgie nationaliste canadienne associée à l’« Équipe Canada ».
Ils doivent se tourner vers leurs frères et sœurs de classe dans le reste du Canada, au sud de la frontière et outremer dans une lutte commune contre l’austérité capitaliste, la dictature et la guerre. Cette mobilisation de masse doit être associée à une offensive politique pour un gouvernement ouvrier qui fera passer les besoins humains avant le profit capitaliste.
Une telle lutte requiert de nouvelles organisations, capables de mobiliser l’immense force sociale de la classe ouvrière : des comités de base, indépendants des syndicats et enracinés dans les lieux de travail et les quartiers ouvriers.
Le succès d’un tel mouvement de masse dépend avant tout d’une direction révolutionnaire ferme et d’un programme scientifique socialiste, basé sur les riches leçons de l’histoire : c’est le rôle du Parti de l'égalité socialiste au Canada et de nos partis frères à travers le monde.
