Le gouvernement libéral canadien, dirigé par Mark Carney, anciennement cadre supérieur et banquier central de premier plan, prévoit de militariser l'économie et d'intégrer les forces armées dans tous les domaines de la vie sociale. Cet objectif a été souligné par l'allocation de nouvelles sommes considérables dans le budget fédéral de ce mois-ci pour renforcer les forces armées et la base militaro-industrielle du Canada, ainsi que par la récente révélation qu'Ottawa prévoit de créer une vaste force militaire de réserve de 300 000 personnes pour être déployée en cas d'urgence.
Le renforcement militaire que prépare l'impérialisme canadien entraînera une attaque frontale contre la classe ouvrière, sa position sociale et son niveau de vie. Comme l'a écrit le Globe and Mail, porte-parole de l'élite financière de Bay Street, dans un éditorial du 12 novembre, « les entreprises et les syndicats devront prendre des risques et se serrer la ceinture. Et lorsque des conflits surgiront, toutes les parties devront faire des compromis pour atteindre un objectif commun. En un mot : sacrifices. »
Le seul « sacrifice » possible dans une société capitaliste où les profits sont tirés de la force de travail de la classe ouvrière et appropriés comme profits privés est la subordination complète de la classe ouvrière à l'austérité et à la guerre. Aux côtés de ses alliés impérialistes aux États-Unis et en Europe, la classe dirigeante canadienne prévoit de mener une ou plusieurs guerres d'agression contre la Russie et la Chine d'ici 2030. Cela nécessitera une augmentation massive du taux d'exploitation de la main-d'œuvre, à mesure que l'économie sera réorganisée pour le réarmement et la guerre, ainsi que la répression par l'État des grèves et autres formes d'opposition de la classe ouvrière.
Il n'y a pas d'opposition significative à ce programme incendiaire au sein de la classe dirigeante. Tous s'accordent à dire que le Canada doit être un protagoniste, comme il l'a été lors des deux guerres mondiales du siècle dernier, dans un nouveau partage impérialiste du monde, afin de revendiquer des marchés, des ressources, des réseaux de production et une influence géostratégique.
Le gouvernement canadien s'apprête donc à mettre l'économie sur le pied de guerre.
Il a créé une nouvelle « Agence de l’investissement pour la défense » afin d'accélérer le transfert de la richesse créée socialement par la classe ouvrière vers l'achat d'armements, « stimulant l'innovation dans les domaines de l'aérospatiale, de la construction navale et de la fabrication de pointe », selon son propre jargon éculé. Selon le ministre des Finances, François-Philippe Champagne, « toutes les entreprises du pays devraient en principe avoir une stratégie de défense ».
Le budget de Champagne prévoit 6,6 milliards de dollars pour la nouvelle stratégie industrielle de défense du gouvernement. Cette somme servira à soutenir la recherche sur de nouveaux systèmes d'armement et à financer l'expansion rapide de la base militaro-industrielle du Canada. Ottawa veut s'assurer que le capital canadien puisse tirer profit de la flambée mondiale des dépenses d'armement, ainsi que des centaines de milliards qu'il prévoit de dépenser au cours de la prochaine décennie pour l'acquisition de nouvelles flottes de sous-marins d'attaque, de navires de guerre, d'avions de combat, de drones de surveillance et d'attaque et d'autres armements.
Confronté à une guerre commerciale mondiale et à des licenciements qui se multiplient dans l'industrie canadienne, le gouvernement présente les dépenses militaires comme un élément clé de sa stratégie de « croissance » économique. Quelle imposture ! Le réarmement sera financé par des coupes massives dans les dépenses sociales et des hausses de taxes, encouragera la classe dirigeante à se précipiter vers le précipice d'une guerre mondiale et ne fera qu'enrichir davantage les marchands d'armes et divers agents politiques haut placés.
Au début du mois, une nouvelle entreprise canadienne, Nalagx, a annoncé son intention de construire la plus grande usine d'explosifs au Canada depuis la Seconde Guerre mondiale, en coopération avec l'entreprise publique française Eurenco. Cette coentreprise fournira des obus d'artillerie et des munitions pour armes à feu au Canada, à la France et à d'autres puissances de l'OTAN. « Notre accord », a déclaré Patrick Gagnon, PDG de Nalagx et ancien député libéral, « illustre concrètement la renaissance de l'industrie de la défense au Canada. »
La société Bombardier, basée à Montréal, est en négociation avec Saab pour construire son avion de combat Gripon au Canada afin de répondre aux commandes potentielles des armées canadienne et ukrainienne. Bombardier et Saab sont déjà partenaires dans le cadre du projet d'avion de surveillance « Global Eye » de Saab, qui utilise l'avion d'affaires 6000/6500 de Bombardier comme plate-forme.
Augmentation massive des dépenses de l’armée et réserve de 300 000 militaires
Le budget 2025-2026 du gouvernement Carney, approuvé par le Parlement au début du mois grâce à la connivence des néo-démocrates, des verts et de la bureaucratie syndicale, vise à lancer une augmentation massive des dépenses militaires du Canada sur une période de dix ans.
Dans son budget, le gouvernement s'est engagé à consacrer 84 milliards de dollars à de nouvelles dépenses militaires au cours des cinq prochaines années, tout en précisant qu'il ne s'agit là que d'un premier versement. Ces nouvelles dépenses comprennent 19 milliards de dollars pour moderniser les bases militaires et autres infrastructures, en particulier les ports de la marine canadienne et l'Arctique ; 17,9 milliards de dollars pour de nouveaux systèmes d'armement ; 10,9 milliards de dollars pour mener la guerre cybernétique ; et 6,2 milliards de dollars supplémentaires pour l'aide militaire au régime corrompu et nazi de l'Ukraine. Le gouvernement Carney présente ces dépenses comme des « investissements » dans « la défense de la souveraineté canadienne », ce qui signifie en réalité la défense du capitalisme canadien et de ses profits, tant contre ses rivaux impérialistes que contre la classe ouvrière au pays.
Une somme supplémentaire de 20,4 milliards de dollars sera consacrée au recrutement de nouveaux soldats et à la fidélisation des soldats existants grâce à des augmentations de salaire. Les grades les plus bas verront leur salaire passer de 43 368 dollars à 52 044 dollars par an. Pour replacer cela dans sa perspective de classe, les 100 PDG les plus riches, dont ces soldats défendront la position sociale dominante au péril de leur vie, gagnent en moyenne 62 660 dollars par jour.
Ottawa prévoit également de constituer une vaste force militaire de réserve qui, au moins jusqu'à sa mobilisation dans des opérations actives, serait une force volontaire de base non rémunérée.
David Pugliese, de l’Ottawa Citizen, a révélé l'existence d'un « plan de mobilisation » jusqu'alors secret visant à enrôler jusqu'à 300 000 fonctionnaires et civils dans la « réserve supplémentaire » des Forces armées canadiennes. Cette force se compose actuellement de seulement 4384 soldats retraités ou anciens soldats des FAC. Les réserves organisées doivent également être considérablement augmentées, passant de 23 500 aujourd'hui à 100 000.
Ces plans sans précédent placeraient 1 % de la population canadienne sous commandement militaire. Ils sont mis en œuvre à l'insu du public. Selon Pugliese, le plan de mobilisation a été « signé par le chef d'état-major de la Défense, la générale Jennie Carignan, et la sous-ministre de la Défense, Stefanie Beck, le 30 mai 2025 ».
En d'autres termes, quelques jours après son élection le 28 avril, le gouvernement libéral minoritaire de Carney planifiait secrètement la participation directe du Canada à une guerre entre grandes puissances ou à une guerre mondiale. Une équipe dite « Tiger Team » a été créée le 4 juin au sein du ministère de la Défense nationale pour mettre en œuvre ce plan. Le Globe and Mail a ensuite révélé que la mise en œuvre commencerait au printemps 2026.
Selon l'Ottawa Citizen, « les fonctionnaires seraient tenus de suivre une semaine de formation militaire chaque année, mais ne recevraient pas d'uniformes [...] » La formation serait axée sur les « compétences de base (par exemple, tirer, se déplacer et communiquer ; conduire un camion ; piloter un drone, etc.) »
Aussi absurdes que ces plans puissent paraître à première vue – la caricature des « fonctionnaires » armés a été largement ridiculisée – les travailleurs doivent les prendre aussi au sérieux que la classe dirigeante.
La chef des Forces armées canadiennes, la générale Jennie Carignan, a déclaré à la presse : « Nous nous préoccupons vraiment de notre souveraineté, de notre territoire et de la résilience de nos communautés, qui doivent savoir où aller en cas d'urgence, qu'il s'agisse d'une pandémie, d'une inondation ou d'une attaque de missile. »
Cela soulève la question suivante : quelles provocations étrangères l'impérialisme canadien prévoit-il, en collaboration avec Washington et ses alliés de l'OTAN, qui pourraient entraîner une frappe de missiles sur le sol canadien ? La réponse n'est pas difficile à trouver. L'armée canadienne a été à l'avant-garde des opérations impérialistes contre la Russie. Les forces canadiennes dirigent la brigade militaire internationale de l'OTAN en Lettonie et ont armé et formé l'armée ukrainienne de droite, notamment en aidant à intégrer les milices pro-nazies dans le cadre de l'opération UNIFIER. Le Canada est également profondément impliqué dans les préparatifs de guerre contre la Chine menés par les États-Unis et leurs principaux alliés en Asie-Pacifique, le Japon et l'Australie.
Ces derniers mois, Carney a travaillé en étroite collaboration avec Paris, Londres et Berlin au sein de la « coalition des volontaires » créée par les principales puissances impérialistes européennes pour garantir la poursuite de la guerre contre la Russie déclenchée par l'OTAN. La semaine dernière, le chef de l'armée française, le général Fabien Mandon, a déclaré que la France devait être « prête à perdre ses enfants » et à « souffrir économiquement » si elle voulait l'emporter sur la Russie. Ces propos ont suscité l'indignation du public, mais ont été défendus par le président français Emmanuel Macron et son gouvernement.
Des plans pour « l’ensemble de la société »
Les chefs militaires des pays impérialistes n'hésitent pas à exiger une soi-disant approche pour « l’ensemble de la société » afin de mener les guerres. Selon le plan de mobilisation des Forces armées canadiennes (FAC), cela nécessite la création d'une « culture de service autour de la souveraineté et de la responsabilité publique » qui « exigera la mise en place, la facilitation et l'engagement avec le Bureau du Conseil privé, d'autres ministères et organismes gouvernementaux, ainsi que la socialisation avec le public canadien ».
En clair, cela signifie que le gouvernement canadien prévoit une immense campagne de propagande pour forcer la classe ouvrière à accepter la guerre qu'il a choisie. Le modèle du gouvernement dans cette entreprise fascisante est la Finlande, « un leader reconnu dans ce domaine ».
Le fait de citer la Finlande, un État de première ligne dans les préparatifs avancés de l'OTAN en vue d'une guerre avec la Russie, comme exemple à suivre est extrêmement inquiétant. Comme l'écrivait le World Socialist Web Site en avril, « le gouvernement finlandais a maintes fois parlé en termes élogieux de l'alliance de la Finlande avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. L'un des thèmes centraux du discours prononcé par (le président finlandais) Stubb à Kiev à l'occasion du troisième anniversaire de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, provoquée par les États-Unis, était qu'il était tragique que la Finlande, et par implication son allié, l'Allemagne nazie, ait perdu face à l'Union soviétique ».
L'impérialisme canadien n'hésite pas à étreindre les nazis, comme l'a largement documenté le World Socialist Web Site. La crise insoluble du capitalisme mondial pousse une fois de plus la classe dirigeante canadienne à mettre en avant et à recruter les éléments les plus réactionnaires et les plus arriérés sur le plan social.
Le 11 novembre, jour d’anniversaire de l'armistice qui a officiellement mis fin à la Première Guerre mondiale en 1918 – une journée qui a été transformée en une occasion de glorification de la guerre par l'impérialisme canadien –, le Globe and Mail a publié un article intitulé « Poland's Trigger Point » (Le seuil de déclenchement de la Pologne). Il s'agissait d'un éloge de l'approche destinée à « l’ensemble de la société » pour la militarisation dans ce pays. L'article brossait un tableau élogieux des Polonais s'entraînant avec enthousiasme au tir et à l'art martial « Krav Maga » développé par les Forces de défense israéliennes.
Il est significatif que l'article accorde de la crédibilité aux dirigeants du mouvement polonais des « preppers », « un groupe de centaines de survivalistes qui partagent des conseils sur la façon de vivre dans la nature et qui étaient autrefois considérés par beaucoup comme des fous. Aujourd'hui, M. Czuryllo est submergé de demandes de renseignements sur le “prepping” et il donne des cours hebdomadaires de survie à des familles, des cadres d'entreprise et des employés municipaux. »
Les fascistes du régiment « Vandoo » des Forces armées canadiennes qui ont été arrêtés en juillet par la GRC étaient également des « survivalistes » se préparant à un effondrement social violent. S'ils n'étaient pas actuellement poursuivis pour plusieurs chefs d'accusation de terrorisme et de possession d'armes en raison de leurs plans visant à « s'emparer de terres » et à former une milice fasciste antigouvernementale, ce sont ces personnes que le Globe et l'armée canadienne aimeraient voir donner des cours de combat au corps à corps à ceux qui, induits par leur propagande militariste-nationaliste, s'engagent dans la vaste réserve supplémentaire qui sera bientôt mise en place.
La classe ouvrière doit faire face à la dure réalité. Il n'y a pas de courant politique anti-guerre au sein de la classe dirigeante canadienne, et aucune possibilité d'éviter la guerre mondiale dans le cadre des relations sociales capitalistes et de la politique parlementaire bourgeoise. Le dernier gémissement impuissant du NPD social-démocrate, feignant de s'opposer à l'engagement de Carney de consacrer 5 % du PIB à la guerre d'ici 2035, a été poussé en juin. Mais il ne s'agissait pas d'une déclaration anti-guerre, mais simplement d'une querelle sur les montants à dépenser. « La nouvelle promesse de Carney coûterait plus de 100 milliards de dollars par an aux Canadiens », s'est plaint le NPD, tout en reconnaissant « que le personnel et les infrastructures des Forces armées canadiennes ont été sous-financés par les gouvernements libéraux et conservateurs successifs, et qu'il est nécessaire d'augmenter les investissements dans ces services ».
Le 17 novembre, le jour même où le NPD a contribué à faire adopter le budget d'austérité et de guerre de Carney, le premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, David Eby, a publié une « stratégie industrielle » pour la province, visant principalement à garantir que « la Colombie-Britannique obtienne sa juste part » du réarmement impérialiste canadien.
La classe ouvrière doit rompre définitivement avec ces bellicistes et construire sa propre direction socialiste révolutionnaire indépendante, le Comité international de la Quatrième Internationale et sa section canadienne, le Parti de l'égalité socialiste, afin de mettre fin au capitalisme et à la menace d'une conflagration mondiale catastrophique.
