Le Parlement allemand, le Bundestag, débat cette semaine du budget fédéral 2026, qui devrait être adopté vendredi. Comme nous l'avons écrit dans un article précédent, il s'agit d'un budget de guerre.
Le ministre de la Défense Boris Pistorius (social-démocrate-SPD) peut dépenser plus du double de l'année dernière. Alors que le budget militaire s'élevait à 52 milliards d'euros en 2024, il passera à 108 milliards d'euros en 2026. Les deux tiers de cette somme proviendront du budget ordinaire, et un tiers du «fonds spécial» de 100 milliards d'euros approuvé au début de la guerre en Ukraine.
Mais ce n'est que le début. Selon la planification financière officielle, le budget militaire devrait atteindre 162 milliards d'euros d'ici 2029, soit 3,5 % du PIB. D'ici là, il sera entièrement financé par le budget régulier. De plus, 500 milliards d'euros supplémentaires seront versés au cours des cinq prochaines années d’un «fonds spécial pour les infrastructures» – qui, comme autrefois la construction de l'Autobahn (autoroute) d'Hitler, est avant tout conçu pour rendre les routes, chemins de fer et ponts «aptes à la guerre». Ainsi, l'Allemagne se prépare à poursuivre la guerre contre la Russie, même indépendamment des États-Unis.
Ces sommes colossales sont financées par une dette nationale accrue. Sur le budget total de 525 milliards d'euros pour 2026, 98 milliards d'euros viendront de nouveaux prêts. À cela s'ajoutent 83 milliards d'euros supplémentaires provenant des deux fonds spéciaux, portant le total des nouveaux emprunts à un record de 180 milliards d'euros. Les associations patronales et les partis politiques sont unanimes sur le fait que ce seront les travailleurs, les retraités et les pauvres qui seront finalement obligés de payer.
Le débat budgétaire et le soi-disant débat général de mercredi ont été, comme d'habitude, marqués par de vifs échanges entre les partis. Mais la clameur parlementaire ne peut cacher le fait qu'ils sont tous d'accord sur les questions fondamentales. Le budget de guerre, ainsi que les attaques sociales qui en découlent, sont soutenus par une coalition multipartite allant de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) d’extrême droite aux Verts et au Parti de gauche.
La dirigeante de l'AfD, Alice Weidel, qui a ouvert le débat général, a comparé l'Allemagne au naufrage du Titanic, a condamné la dette nationale élevée et la crise économique – et a accusé non pas la politique de guerre du gouvernement mais la migration pour ces problèmes. Elle a exigé «une politique de la porte fermée: contrôles frontaliers complets, renvoi sans exception de tous les illégaux, et enfin expulsions rigoureuses.» Elle n'a pas prononcé un seul mot de critique sur le budget de guerre. Au contraire, elle a proposé à Merz la coopération politique de l'AfD, dont le propre programme électoral appelle à une augmentation des dépenses militaires.
Les représentants des partis au pouvoir, les Démocrates-chrétiens (CDU/CSU) et le SPD, ainsi que les Verts, ont attaqué farouchement l'AfD – mais non pas à cause de son agitation fasciste contre les migrants, qu'eux-mêmes ont adoptée depuis longtemps. Dans sa réponse à Weidel, le chancelier Merz s'est vanté de ses «succès» dans ce domaine: « Nous décidons à nouveau qui vient chez nous, dans quelles conditions il vient, et qui reste chez nous », a-t-il déclaré.
La CDU/CSU, le SPD et les Verts ont attaqué l'AfD à cause de ses réserves concernant la guerre en Ukraine et ses canaux de communication avec Moscou, l'accusant de «trahison». Le chef parlementaire du SPD, Matthias Mirsch, a qualifié l'AfD de «risque pour la sécurité de l'Allemagne», tandis que le chef du groupe parlementaire CDU/CSU, Jens Spahn, l'a qualifiée de «cinquième colonne de Poutine». Weidel a répondu avec suffisance que son parti maintenait non seulement des canaux ouverts avec la Russie, mais aussi des liens étroits avec la Maison-Blanche. «Nous avons toujours exigé exactement ce que Donald Trump met en œuvre désormais.»
Britta Haßelmann, chef du groupe parlementaire des Verts – qui avait rendu possible le budget de guerre en approuvant les prêts de réarmement d'un montant de 1 000 milliards d'euros – a accusé Merz de manquer de leadership, notamment vis-à-vis des États-Unis. Elle a déploré que l'initiative de Trump concernant l'Ukraine ne soit «rien d'autre pour l'Ukraine qu'un plan de soumission».
Merz avait certes pris ses distances avec les propositions américaines dans son discours, mais il avait évité de les nommer ouvertement et s'était gardé d'entrer en confrontation avec Trump. Il avait déclaré vouloir «la paix dans la liberté, et non le silence d'un cimetière, ni la paix par la capitulation». Un accord sans le consentement de l'Ukraine et des Européens ne pouvait servir de base à une paix durable en Ukraine, avait-il ajouté.
Le chef parlementaire du Parti de gauche, Sören Pellmann, a également accusé Merz de «manquer de plan». Il avait «échoué à livrer et échoué dans presque tous les domaines politiques». Il a accusé Merz de poursuivre une politique pour les riches et a affirmé qu'il y avait «une redistribution massive du bas vers le haut ». Comme si on pouvait attendre autre chose de l'ancien président de BlackRock en Allemagne!
Toute la politique du Parti de gauche vise à alimenter l'illusion que Merz et le gouvernement peuvent être contraints d'adopter une politique différente. En réalité, le Parti de gauche lui-même approuva les prêts de réarmement au Bundesrat (chambre haute du parlement) et aida Merz à obtenir une élection rapide en tant que chancelier après son échec au premier tour.
La co-présidente du Parti de gauche, Heidi Reichinnek, s'est également livrée à une démagogie sociale, jusqu'à ce que le député vert Audretsch lui rappelle dans une interpellation qu'au Sénat de Berlin (l’exécutif du Land), le Parti de gauche avait contribué à l'explosion des loyers dans la capitale en vendant des logements sociaux à des investisseurs privés.
«Vous avez raison,» répondit Reichinnek. «Ces appartements ont été vendus à l'époque sous un gouvernement SPD–Parti de gauche parce que le budget devait être équilibré. Ce fut une catastrophe et une énorme erreur. Le problème, c'est que les Länder [États fédéraux] ont été forcés précisément dans cette situation. »
C'est du Parti de gauche dans sa forme la plus pure. Il parle comme la gauche et agit comme la droite. Dans ses discours et ses appels électoraux, il fait de grandes promesses, pour ensuite, dès qu’il est élu, se charger du sale boulot pour le compte de l'État, des banques et des trusts, invoquant de prétendues «contraintes». Rien ne l'effraie plus qu'un mouvement indépendant de la base qui remette en question les rapports de pouvoir et de propriété existants.
L'opposition croissante de la classe ouvrière européenne à la politique de guerre et d'austérité des gouvernements européens a été le véritable sujet tabou tout au long du débat général. Pendant que parlaient les députés, une grève générale paralysait la Belgique pour protester contre le budget d'austérité du gouvernement belge. En Italie et au Portugal, des grèves générales similaires sont prévues dans les prochains jours. À Londres, le Parlement britannique débattait dans le même temps du nouveau budget d'austérité du gouvernement Starmer, qui sabre brutalement les prestations sociales.
La montée de la résistance de la classe ouvrière européenne crée les conditions nécessaires pour mettre fin à la politique de guerre et de casse sociale menées par les divers gouvernements. Mais pour que cette résistance réussisse, elle doit être unie au niveau international et armée d'un programme socialiste de renversement du capitalisme.
