Macron réélu président avec 58 pour cent des voix

Hier soir, le président français Emmanuel Macron a été réélu avec environ 58,2 pour cent des voix, contre la candidate néofasciste Marine Le Pen.

Le président français Emmanuel Macron prononce son discours lors d'une conférence de presse de campagne présidentielle à Aubervilliers, au nord de Paris, en France, jeudi 17 mars 2022. (AP Photo/Thibault Camus)

L’élection entre un «président des riches» largement méprisé et une néo-fasciste a provoqué le dégoût et la désillusion de larges couches de travailleurs. L'abstention est la plus forte enregistrée depuis 1969, lorsque le Parti communiste français (PCF), un parti de masse à l’époque, avait appelé au boycott. Près de 3 millions de personnes ont déposé des votes blancs ou nuls, pour un total de 16 millions d'électeurs, soit un tiers de l'électorat, qui n'ont voté pour aucun des deux candidats.

Des manifestations ont éclaté à travers la France après l’annonce des résultats dimanche soir, notamment à Paris, à Lyon, à Montpellier, à Nantes et à Rennes. Les forces de l’ordre ont chargé les manifestants et tiré des gaz lacrymogènes. A Paris, la police a tué deux personnes sur le Pont neuf en ouvrant le feu sur leur véhicule après un «refus d’obtempérer».

Malgré la défaite de Le Pen, c’est le plus grand vote de l'histoire pour l'extrême-droite française, qui a obtenu 8 pour cent de plus que lors du second tour Le Pen-Macron en 2017. Le Pen a remporté la Guadeloupe (70 pour cent des voix), la Guyane (61 pour cent) et la Martinique (61 pour cent).    Si la légitimation de l'extrême droite par Macron et ses politiques anti-ouvrières entraînent une hausse similaire du vote néofasciste sur son second mandat, Le Pen pourrait prendre le pouvoir en 2027.

Le Pen s’est avouée vaincue peu après l’annonce des résultats projetés à 20h hier soir, mais a jugé que son score est «une éclatante victoire». Elle a dit, « En dépit de deux semaines de méthodes déloyales, brutales et violentes, les idées que nous représentons arrivent à des sommets ».

Elle s’est avancée démagogiquement en défenseure des masses contre le pillage économique que Macron va opérer pendant son second mandat. Elle a dit que « les Français manifestent ce soir le souhait d’un contre-pouvoir fort à celui d’Emmanuel Macron » et promis de les « protéger face au délitement de leur pouvoir d’achat, face aux atteintes aux libertés (…) face au recul promis par Emmanuel Macron de l’âge de la retraite, face à l’insécurité, l’immigration anarchique et au laxisme judiciaire ». Elle a dit qu’elle se présenterait dans de nouvelles élections.

Peu après, le candidat rival d'extrême-droite à la présidence, Eric Zemmour - un journaliste qui défend la mémoire du régime de Vichy et a été condamné pour incitation à la haine raciale et religieuse - a appelé à l'unité de l'extrême droite lors des législatives. Ces élections auront lieu les 12 et 19 juin prochains.

Macron est apparu plus tard dans la soirée et a prononcé un discours court et sommaire devant la Tour Eiffel et quelques milliers de partisans, surtout des hauts fonctionnaires et des journalistes. Il a affirmé qu'en votant pour lui, les électeurs ont « fait le choix d’un projet humaniste, ambitieux pour l’indépendance de notre pays, pour notre Europe ».

Macron, qui veut augmenter l'âge de la retraite de 3 ans pour le porter à 65 ans, augmenter les frais d'inscription à l'université, et obliger les bénéficiaires du RSA à travailler, a prôné la guerre et l'austérité. Il a appelé à la «l ibération de nos forces académiques, culturelles entrepreneuriales.» Il a dit que «la guerre en Ukraine est là pour nous rappeler que nous traversons des moments tragiques', et ajouté à ses partisans d'être « bienveillants et respectueux » envers les électeurs d'extrême droite.

Néanmoins, après avoir avoué que « notre pays est pétri de tant de doutes, de tant de divisions », il a déclaré cyniquement qu’il lancerait une « ère nouvelle » dans son second mandat : « Cette ère nouvelle ne sera pas la continuité du quinquennat qui s'achève mais l'invention collective d'une méthode refondée pour cinq années de mieux au service de notre pays, de notre jeunesse », a-t-il dit avant de promettre : «Nul ne sera laissé au bord du chemin».

Ce baratin de Macron insulte l'intelligence du public. Ses coupes sociales draconiennes visent à accroître massivement les inégalités, et son appel à être « bienveillant et respectueux » avec l'extrême droite signifie la poursuite de la poussée antimusulmane définie par sa «loi anti-séparatiste» et ses fermetures de mosquées en France. Face à une montée de tensions de classe pour lesquelles elle n'a pas de solutions progressistes, la classe dirigeante française tend vers l'imposition d'une dictature fasciste, que ce soit sous Macron ou Le Pen.

Des dizaines de millions de travailleurs et de jeunes français considèrent la réélection de Macron comme un désastre. Il a violemment réprimé les manifestations des « gilets jaunes » et les grèves des cheminots contre l'austérité. Pendant la pandémie, il a fait passer les profits avant les vies, par une politique de 'vivre avec le virus' qui a entraîné 145.000 décès en France et 1,8 million en Europe, alors que les patrimoines des milliardaires français explosaient. Il a aligné la France sur l'OTAN qui alimente un conflit avec la Russie en Ukraine qui menace de provoquer une guerre mondiale.

Alors que l'inflation alimentée par les distributions massives d'argent aux super-riches et les sanctions de l'OTAN contre la Russie dévastent le pouvoir d’achat en France et dans le monde, une confrontation explosive couve entre le gouvernement Macron et la classe ouvrière.

En effet, les premières déclarations de soutien à Macron sont venues surtout d’autres politiciens impérialistes européens qui voient dans sa réélection la garantie que la France continuera à travailler étroitement avec l'Union européenne (UE) pour militariser l'Europe et menacer la Russie. Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a tweeté ses « félicitations » à Macron, en ajoutant : « Je me réjouis de pouvoir continuer notre excellente coopération ».

Le chef de la politique étrangère de l'UE, Josep Borrell, a déclaré au journal El Confidencial que le soutien des Français aux critiques modérées de la guerre de l'OTAN contre la Russie en Ukraine faites par Mme Le Pen et le candidat populiste Jean-Luc Mélenchon avait terrifié l'OTAN. « La moitié de la population s’exprime politiquement pour sortir soit de l’alliance, comme Jean-Luc Mélenchon, soit du commandement unifié, comme Le Pen … La population française se montre être dans un endroit dans sa compréhension du monde qui est inquiétante ».

A propos des présidentielles françaises, le journal écrit, «il y aura seulement une respiration contenue, une tension refoulée. Les élections françaises se sont transformées en question de sécurité militaire ».

Si Washington et les autres puissances de l'OTAN abordent les élections françaises en tant que question militaire, ce n'est pas à cause des déclarations de Mélenchon ou de Le Pen. Tous deux ont indiqué qu'ils s'adapteront à la guerre de l'OTAN visant la Russie. Le Pen a soutenu la politique russe de Macron lors du débat télévisé mercredi dernier, et Mélenchon dit vouloir servir sous Macron ou Le Pen en tant que Premier ministre - un poste qui ne lui donnerait aucune influence sur la politique étrangère.

En effet, Mélenchon, qui a été le bénéficiaire d'un vote de protestation de gauche de 22 pour cent de l'électorat au premier tour, est brièvement apparu sur la chaîne d'information BFM-TV hier soir pour souligner à nouveau sa disponibilité pour servir en tant que premier ministre de Macron.

Cela met en évidence le fossé de classe qui sépare le Parti de l'égalité socialiste (PES), la section française du Comité international de la IVe Internationale (CIQI). Le PSE a appelé à un boycott actif du second tour des élections présidentielles par la classe ouvrière, proposant que les travailleurs rejettent un vote pour Macron ou Le Pen et se mobilisent contre les deux candidats indépendamment des partis politiques qui soutenaient l'un ou l'autre candidat.

Cet appel a donné une ligne politique indépendante à la classe ouvrière, contribuant à l'armer d'une perspective révolutionnaire et socialiste pour les luttes à venir contre l'administration Macron.

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