L'ex-président français Nicolas Sarkozy (2007-2012) a vu son dernier recours rejeté mercredi 18 décembre et a été définitivement condamné par la Cour de cassation à trois ans de prison. Deux de ces années ne seront pas purgées, sous condition de bonne conduite, et l'année restante a été réduite au port d'un bracelet électronique pendant cette période. Sarkozy a été reconnu coupable de 'corruption' et de 'trafic d'influence' principalement en lien avec ses contributions de campagne électorale.
Le porteur d'un bracelet électronique est normalement obligé de rester chez lui sous surveillance et de limiter ses déplacements à un périmètre défini autour de son domicile. Les limites imposées à Sarkozy n'ont pas encore été fixées par les juges.
Sarkozy a annoncé son intention de porter plainte contre l'Etat français devant la Cour européenne des droits de l'Homme, affirmant que ses droits démocratiques ont été violés par l’écoute téléphonique de ses discussions privées et privilégiées avec son avocat, qui ont conduit à sa condamnation initiale.
La condamnation d’un ancien chef d’État français à la délinquance pénale souligne l’illégitimité du régime capitaliste français. L’éditorial du journal bourgeois de référence Le Monde a reconnu qu’il s’agissait d’un «séisme dans l’histoire de la Ve République française. C’est la première fois sous la Ve République qu’un ancien président de la République écope d’une peine aussi lourde pour des faits aussi graves ».
En réalité, c'est la deuxième fois, après la condamnation de Jacques Chirac pour détournement de fonds en 2011, qu'un ex-président français est condamné à une peine de prison. La peine de prison de Chirac a cependant été entièrement suspendue par la justice. Celle de Sarkozy ne l'a pas été, et en ce sens, la condamnation à son encontre marque une nouvelle étape dans la reconnaissance officielle de la criminalité du système politique français.
En effet, la constitution antidémocratique de la Ve République datant de 1958 accorde au président de vastes pouvoirs en matière de déclenchement de guerres, de répression policière et de dictature. Le président peut dissoudre le Parlement à volonté, organiser la politique étrangère à sa guise et invoquer le pouvoir de suspendre le Parlement et le pouvoir judiciaire pour gouverner sans contrôle, de fait comme un dictateur. Le fait que ces pouvoirs aient été exercés à plusieurs reprises par des criminels est un avertissement du danger énorme de dictature que représente le régime capitaliste français.
Le dossier visant Sarkozy remonte à 2014. Des preuves avaient alors été révélées sur sa tentative de corrompre un haut magistrat de la Cour de cassation, Gilbert Azibert. Cela, pour lui soustraire des informations sur une enquête en cours concernant des contributions illégales à sa campagne électorale provenant de feu Liliane Bettencourt, l'héritière multimilliardaire de l'empire français des cosmétiques L'Oréal.
L’ancien chef de file de l'UMP – aujourd'hui rebaptisé Les Républicains et réduit à l'état de croupion à l'Assemblée nationale – aujourd'hui âgé de 70 ans, doit faire face à cinq procès au total. Il est entre autre accusé d'avoir falsifié des factures relatives à ses dépenses de campagne électorale pour l'élection présidentielle de 2012: l'affaire dite Bygmalion, l'agence de publicité chargée de gérer sa campagne.
En janvier prochain s'ouvrira son procès pour avoir reçu des dons illégaux du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi pour financer sa campagne électorale de 2007. S'il est reconnu coupable, Sarkozy risque une lourde peine de dix ans de prison et cinq ans d’inéligibilité à toute fonction publique.
En 2012, le magazine d'investigation en ligne Mediapart avait publié deux documents alléguant l’existence d'une contribution de 50 millions d'euros de Kadhafi à la campagne de Sarkozy en 2007. Cette somme contraste avec les 20 millions d'euros officiellement déclarés pour ses dépenses de campagne.
Sarkozy a joué durant sa présidence un rôle central dans le lancement de la guerre d’agression criminelle de l’OTAN en 2011, qui a détruit la Libye, la réduisant à un Etat déliquescent devenu le jouet de seigneurs de guerre et de milices islamistes. Il convient de noter que cette guerre a été soutenue par tous les partis pseudo-de gauche qui constituent aujourd’hui le Nouveau Front populaire, en particulier par le NPA pabliste (Nouveau Parti anticapitaliste). Après avoir quitté le pouvoir en 2012, Sarkozy a appelé à une «action rapide de la communauté internationale» pour intervenir en Syrie afin de changer le régime; là encore avec le soutien du NPA.
En tant que pilier de l’establishment français, Sarkozy a joué un rôle majeur dans la répression des luttes de la classe ouvrière et de la jeunesse. Déjà en 2005, alors ministre de l’Intérieur, il avait suggéré que les quartiers populaires soient « nettoyés au karcher » après des émeutes urbaines massives en réponse à la mort de deux jeunes aux mains de la police.
En 2018, alors que le président actuel Emmanuel Macron était assiégé par la mobilisation massive du mouvement des «Gilets jaunes», celui-ci a demandé conseil à Sarkozy. Alors que des manifestants étaient battus à mort par la police anti-émeute et que des dizaines d’entre eux perdaient la vue et des membres, Sarkozy a conseillé «le respect de la loi et de l’ordre».
Un porte-parole du cabinet de Macron a commenté ainsi le conseil apporté par Sarkozy : « il y a un respect mutuel entre eux. Sarkozy a été incroyable tout au long de la crise, de loin le plus intelligent à droite. »
Un autre exemple des attaques infâmes du président Sarkozy contre les travailleurs et les nations opprimées est son voyage dans la possession coloniale française de Mayotte, dans l’océan Indien, en 2010. «Je suis venu pour aider Mayotte à se développer, mais que les choses soient claires, la départementalisation ce sont des droits et des devoirs ; parmi les devoirs, il y a le respect de la loi et des représentants de l’État et de la police qui ont la lourde responsabilité de faire respecter la loi», a-t-il déclaré.
En 2011, il a intégré Mayotte à l'État français en tant que département français à part entière, mais tous les investissements nécessaires ont été et sont restés paroles en l’air. Toutes les crises sociales de l'île sont désormais imputées à l'immigration clandestine en provenance des Comores. En raison de l'échec de son gouvernement et de tous les gouvernements français à investir dans le développement économique et l'aide sociale, les 350 000 habitants pauvres viennent d'être décimés par le cyclone Chido, qui a fait probablement des milliers de morts et détruit plus de la moitié des habitations de fortune.
Ces derniers temps, Sarkozy a cherché à consolider sa position politique en signalant son soutien aux forces d’extrême droite.
Dans une interview sur BFM-TV, il a approuvé la stratégie de Trump consistant à faire appel à «la grandeur de la nation» et à «la flamme nationale», attribuant la victoire de Trump au fait qu’il avait parlé de «l’Amérique aux Américains». Comme la plupart des autres politiciens français, Sarkozy défend la ligne selon laquelle «Israël a le droit de se défendre». Son fils, Louis, a soutenu sans vergogne le génocide de Gaza, déclarant: «Qu’ils meurent, Israël fait le travail de l’humanité».
De telles remarques soulignent que le jugement contre Sarkozy ne changera pas le cours antidémocratique et politiquement criminel du régime capitaliste français, qui ne découle pas des actes de chefs d’État individuels comme Sarkozy ou Macron, mais de la criminalisation de l’ensemble de la classe dirigeante – révélée par les guerres impérialistes sanglantes et le soutien au génocide de la part de toutes les puissances impérialistes de l’OTAN. Cela ne peut pas être stoppé par les tribunaux mais seulement par la mobilisation de la classe ouvrière dans la lutte contre la guerre impérialiste, le fascisme et le capitalisme.
(Article paru en anglais le 24 décembre 2024)